ÉTRANGE ANNIVERSAIRE L'ÉTRANGE #5 - IL ÉTAIT UN HÉRISSON...

Pour la deuxième année consécutive, D'un Écran à l'Autre est heureux de couvrir L'Étrange Festival situé au Forum des Images, du 4 au 15 septembre prochain. Pour son 25ème anniversaire, le festival offre l'une de ses programmations les plus ambitieuses, entre ses pas moins de vingt-cinq cartes blanches laissées à des artistes audiovisuels, ou encore une compétition internationale garnie de nombreuses premières françaises. Et au programme d'aujourd'hui: un miroir anti-marxiste, une Loi anti-Pinel, et une famille anti-sédentaire. Vous trouvez ça étrange ? Non ? Attendez un peu...



PARADISE HILLS, Alice Waddington, 2019 : A ce jour, il s'agit peut-être du meilleur film du festival. Premier long-métrage de sa jeune réalisatrice et écrit notamment par Nacho Vigalondo, à qui l'on devait les très décevants Colossal et Open Windows, Paradise Hills travaille ses références très célèbres, notamment les diverses adaptations picturales et cinématographiques du monde d'Alice au pays des merveilles, pour une proposition bien plus ludique, sans cesse stimulé par différents indices posés ça et  dans les dialogues et les inserts, et cynique dans son fond (imaginez un pays des merveilles entièrement capitaliste et voué à rendre rigide de jeunes femmes aux traits caractéristiques "hors normes"...). Si la performance de Emma Roberts laisse à désirer, en raison de son flegme habituel qui fait se demander si elle n'a que faire du film ou s'il s'agit d'une réelle demande de la réalisatrice dans sa mise en scène, c'est surtout Milla Jovovich (!!!) qui crève l'écran, en reine embourgeoisée de ses contrées merveilleuses, sans cesse maniérée et parfois assez terrifiante. On pourrait lui reprocher sa possible timidité dans certaines scènes, qui aurait mérité un contre-point total dans sa recherche formelle, quitte à jouer de l'hémoglobine au lieu de rester dans le tout-public, mais pour un premier long, il aurait été facile de tomber dans tous les pièges d'un sujet aussi défriché que celui-ci. Victoire par KO de Alice Waddington !

PARADISE HILLS sera rediffusé au Forum des Images le 10 septembre prochain, à 15h. Plus d'infos sur le film sur le site du Forum des Images indiqué ci-dessous. Aucune date de sortie française n'est encore prévue pour ce film.


HAIL SATAN?, Penny Lane, 2019 : C'est dans une salle 100 remplie à ras-bord que L'Étrange Festival nous offrit le contre-programme idéal en ce début de jour du seigneur. Cela fait déjà quelques mois que Hail Satan? fait son petit buzz de festival en festival et après visionnage du long-métrage en question, on ne peut que lui donner entièrement raison. Documentaire retraçant la création et la propagation de "The Satanic Temple", une fondation religieuse sataniste cherchant à promouvoir ses vertus positives et libératrices, Hail Satan? est bien plus subtil et intelligent que ce que peut laisser penser son sujet de base. En suivant le parcours de différents adeptes de cette fondation aussi insolite que revendicative, c'est tout un pan des dogmes chrétiens des Etats-Unis qui est ici questionnée, et notamment sur son lien plus que proche avec la politique.

Intelligemment mis en scène, réflexif mais également extrêmement drôle, le film de Penny Lane est une véritable surprise à recommander à quiconque s'intéresse de près où de loin aux Etats-Unis, à ses contradictions et à ses laissés pour compte. Car ce qui fait la force du film, c'est avant tout la vraie sincérité qui dégage des membres de la fondation, très loin d'être de simples personnes naïves en quête d'identité mais bel et bien des combattants et combattantes usant de ce qui était au départ un véritable troll de grande envergure comme d'une arme pour se faire entendre, provoquer et changer les mœurs réactionnaires. Premier gros coup de cœur de cet Étrange Festival. -TR.

Aucune date de sortie française n'est encore prévue pour ce film.



1BR, David Marmor, 2019 : Un bon concept de base ne donne pas toujours un bon film à l'arrivée et ça, 1BR l'apprend malheureusement à ses dépens. Pensé comme un thriller paranoïaque à base de résidence immobilière aux allures très, voire même trop, sectaires qui finira par aliéner une jeune et innocente arrivante à Los Angeles, le film de David Marmor n'arrive jamais à créer ne serait-ce qu'un soupçon de terreur ni même de suspense tant les coutures de son scénario sont visibles à des kilomètres et n'arrivent qu'à alourdit un film qui aurait clairement mérité un meilleur traitement. Et ce n'est même pas ses quelques instants gore semblant sortir de nulle part et presque hors-de-propos qui ne parviendront à rendre le tout plus attachant, ni même intéressant. Preuve que pour se lancer dans le film d'horreur à tendance sociale, mieux vaut savoir avant tout ce que l'on veut y raconter. -TR.


Quel embarras ! Annoncé comme un film à charge contre l'administration du gouvernement de Donald Trump et sa volonté progressive d'isoler les États-Unis pour en prévenir les conflits, 1BR n'est qu'un petit pamphlet dont les traits épais de la narration noircissent un projet pourtant éclatant de promesses. Son casting de faux-semblants, à peine exploité malgré le cadre angeleno utopique (chaque acteur du film est le sosie d'un acteur célèbre, à vous de trouver qui !), déçoit tant sa direction est peu concluante, dans une esthétique téléfilm qui n'est d'aucun intérêt. C'est pourtant dommage, car la structure globale du récit, à mi-chemin entre le film politique à la Get Out et la fable d'anticipation, est plutôt bien travaillée, tenant sur des ressorts convaincants à défaut d'être parfois très convenus, et esquissant quelques surprises au milieu de la pâleur de l'entreprise. Il y avait de quoi faire... -TB.

Aucune date de sortie française n'est encore prévue pour ce film.




WALKABOUT, Nicholas Roeg, 1971 : C'est l'histoire de trois personnages qui marchent... qui marchent... qui marchent... Dit comme ça, il est vrai que ce Walkabout ne promet pas d'être des plus passionnants mais contre tout attente, c'est bien ce postulat qui rend ce second long-métrage du réalisateur de Ne Vous Retournez Pas si intriguant. Mettant avant tout en valeur la dimension humaine de son récit minimaliste, Nicholas Roeg crée une atmosphère assommante mais dans laquelle nous sommes comme happés, notamment grâce à la beauté incroyable des décors naturels à sa disposition. Aussi mystique que politique, cette déambulation en pleines terres australiennes agit comme une sorte d'échappée pas déplaisante au sein de tous ces films à base de frissons et de boyaux. A redécouvrir assurément. -TR.



Après Prospero's Books, dont on vous avait parlé il y a peu de jours, c'est au tour du deuxième film de Nicholas Roeg de se retrouver sélectionné par un artiste (en l'occurence, Warren Ellis) pour une sélection spécial anniversaire. Walkabout, c'est un road-trip sous substances illicites, un voyage initiatique au montage chiadé, régulièrement psychédélique, qui assume la réputation de son réalisateur hors du territoire anglo-saxon. Pourtant, il s'agit ici d'Australie, d'un film qui replie le pays sur lui-même, sur ses moteurs sémiologiques en panne, qui provoquent irrémédiablement une incommunicabilité. Il ne faut qu'un enfant, une âme pure, loin de la violence, pour créer un pont entre deux mondes, aux ambitions contraires. Plus alors qu'un stoner-movie aux multiples formes phalliques qui désacralisent ses symboliques religieuses, qui offra le surnom à Roeg de "Perv Director", Walkabout est une ode à la liberté et à l'innocence, seul moyen de lutter contre le cynisme ambiant. Nombre de grands cinéphiles se sont amusés à le décortiquer pour y déchiffrer les multiples rites aborigènes que dépeint le long-métrage, mais il faudrait plus qu'un article pour y retranscrire ne serait-ce qu'une once d'émotion que procure ce film. A voir et revoir de toute urgence ! -TB.


C'est tout pour aujourd'hui au Forum des Images... Mais ce n'est pas tout pour ces dix jours, on se retrouve dès demain pour de nouvelles aventures ! Si, par la force ou en dépit des critiques, vous aimeriez plonger dans l'Étrange durant cette dizaine d'après-midis, le planning des séances ainsi que les tarifs sont présents à cette adresse: https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/etrange-festival-2019, ou directement sur place, au Forum des Images ! A bientôt sur le site...

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