ÉTRANGE ANNIVERSAIRE L'ÉTRANGE #10 - POUR L'AMOUR DU BIS

Pour la deuxième année consécutive, D'un Écran à l'Autre est heureux de couvrir L'Étrange Festival situé au Forum des Images, du 4 au 15 septembre prochain. Pour son 25ème anniversaire, le festival offre l'une de ses programmations les plus ambitieuses, entre ses pas moins de vingt-cinq cartes blanches laissées à des artistes audiovisuels, ou encore une compétition internationale garnie de nombreuses premières françaises. Au programme aujourd'hui : un jour morbide sans fin, des néons et HPG en slip. Vous trouvez ça étrange ? Non ? Attendez un peu...


KOKO-DI KOKO-DA, Johannes Nyholm, 2019 : Celui-là, on l'avait pas vu venir du tout. Annoncé comme un film d'une violence inouïe (ce qui est vrai), l'affiche promettait un univers bizarre, proche du surréalisme (ce qui est un peu faux). Finalement, le plus intriguant et réussi dans Koko-Di Koko-Da reste son atmosphère très terre-à-terre malgré un schéma répétitif absurde, plongeant dès lors dans la violence la plus crue, quoique dissimulée sans cesse par des artifices.

Koko-Di Koko-Da a cette faculté de traiter la thématique du deuil et du couple de la manière la plus extrême sans tomber dans la facilité mal venue. Tour à tour effrayant, nerveux, drôle et touchant, il parvient à varier ses ambiances malgré des événements identiques pour s'amuser à déjouer la psychologie spectatorielle et notamment ses attentes, par la question même du point de vue (qui regarde-t-on ? Et avec qui ?). Si le film peut donner la sensation d'être parfois un court-métrage étiré dont on devine la finalité thématique, il possède tout de même en son sein un beau film, un peu fou, mais toujours en emphase et qui ose détourner sa gratuité vers son message qui, finalement, veut du bien au spectateur. -TB

Koko-Di Koko-Da est prévu en salles françaises pour le 13 novembre prochain.



POLICE STORY, Jackie Chan, 1985 : Passons outre l'introduction typiquement Kassovitzienne que nous offrit notre cher Mathieu Kassovitz et attardons nous plutôt sur son choix de carte blanche, le bien-nommé Police Story, projeté ici dans une toute nouvelle restauration 4K à la qualité exemplaire. Si l'on voue bien souvent à Jackie Chan son talent immodéré pour les cascades ainsi que son habilité à y mêler un jeu comique inégalable, Police Story en est l'exemple le plus significatif et le plus impressionnant. Débordant sans cesse d'idées de scènes d'actions toutes plus impressionnantes et risquées les unes que les autres, on finit presque par être hypnotisé par tant de générosité transmise au travers de l'écran, le film allant clairement crescendo au niveau de ses fantasme de destruction en tout genre. 

D'une course-poursuite en voiture au travers d'un village entier jusqu'à un combat final dans un centre-commercial rempli de vitres en passant par un saut d'un immeuble entier pour atterrir dans une piscine, rien n'est épargné à notre casting pour notre plus grand plaisir de spectateur. Et quand bien même on pourrait reprocher au film un scénario alourdissant peut-être un peu trop le rythme par instant, cela serait passer totalement à côté de son atout principal, le film se permettant en plus de cela d'adopter un humour typiquement cartoonesque et à mourir de rire, dont une scène téléphoniques à la chorégraphie véritablement impressionnante. Qu'importe ce que Metropolitan FilmExport compte faire de son nouveau master 4K (on croise les doigts pour une ressortie salles), Police Story est un pur plaisir de film d'action à voir ou revoir et qui, même 35 ans après sa sortie, enterre absolument tous les actionners occidentaux qui peuvent sortir encore maintenant. Sauf peut-être les Mission: Impossible. -TR



BARFLY, Barbet Schroeder, 1987 : Voilà une séance qu'elle est bien ! Soutenu par un HPG en grande forme (et en slip), Barfly est un OVNI étrange, tant son statisme fascine. Amoral mais joyeux, violent mais doux avec ses personnages, Barbet Schroeder et Charles Bukowski s'amusent à noyer toutes les intrigues dans l'alcool et les dialogues vains pour faire ressortir les performances de ses excellents acteurs, mais aussi pour y développer la psychologie du second nommé, sorte d'assisté lâche dont la motivation quotidienne semble n'être que la boisson. Il est certain que la mentalité du film a pris un coup de vieux, et que certaines blagues ne seraient plus possibles aujourd'hui, mais il témoigne de la fin d'une époque, loin de l'uniformisation et près des white trash des années 1980, plus déterminés par leur ivresse que par l'opportunité d'une carrière. Un très beau moment de cinéma, au regard aussi déjanté que sa production - que l'on vous laisse chercher sur Internet... -TB



BLOOD MACHINES, Seth Ickerman, 2019 : Avant Blood Machines, il y a surtout Turbo Killer. Clip-vidéo de la géniale chanson du groupe de synthwave Carpenter Brut (que l'on ne résiste pas à l'envie de vous le partager à nouveau), le court-métrage sorti en 2016 connaîtra un buzz conséquent et mettra en lumière son duo de réalisateurs, Savitri Joly Gonfard et Raphaël Hernandez, réunis sous le pseudonyme de Seth Ickerman. Devant un tel résultat visuel, il était évident que le duo reviendrait tôt ou tard et c'est désormais enfin le cas avec ce qui s'avère être la suite, ou tout du moins la continuation, de Turbo Killer.

D'emblée, Blood Machines se présente comme une oeuvre visuelle mais également musicale, puisque Carpenter Brut revient également à la bande-son du film. Mais de manière assez curieuse, cette identité de "film musical" est à la fois ce qui donne au film sa force principale mais également sa plus grosse lacune, à savoir son manque de véritable force narrative. Étant avant-tout des artistes avec de très fortes propositions visuelles, cultivant de sur-croît l'art du "film fait dans son garage", Seth Ickerman offre un film à l'identité esthétique extrêmement marquée et clairement mémorable, mais dont le manque de substance, que cela soit au niveau des univers dépeints ou de la structure narrative en général, empêche de se sentir impliqué aussi fortement que l'on aurait espéré. Ne boudons toutefois pas notre plaisir, puisque Blood Machines mérite cependant toute notre attention tant les amateurs de Carpenter Brut et de Seth Ickerman trouveront ici la meilleure expérience de film-musical possible réunissant ces deux univers à ce jour. Ne reste plus qu'à espérer que pour leur prochain long-métrage, le duo parvienne à développer davantage leurs univers par-delà leurs partis-pris esthétiques mémorables. -TR

Aucune date de sortie française n'est encore prévue pour ce film.


MÉTAL HURLANT, Gerald Potterton, 1981 : Blood Machines ne durant "que" 50 minutes, l'équipe de L'Étrange Festival aura eu la bonne idée de coupler cette projection événement avec une séance-carte blanche offerte par le duo Seth Ickerman, permettant de réaliser une séance "double programme" bien à propos dans un tel cadre. C'est donc Métal Hurlant qui fût choisi par les deux français et le moins que l'on puisse dire, comme ils l'ont eux même précisé en introduction, c'est à quel point on constate que l'univers du film, et de la bande-dessinée dont il est tiré, auront été une influence totalement directe à l'univers rétro du duo.

Film d'animation à sketches produit par Ivan Reitman, Métal Hurlant se démarque du reste de l'animation traditionnelle avec son ton résolument adulte et surtout très, très années 80, accumulant sans gêne tout un tas d'imageries violentes, de monstres en tout genre et de plans racoleurs sur des femmes à forte poitrine et dans leur plus simple appareil, le tout accompagné d'une bande-son entièrement composée de tubes heavy-metal. Un Creepshow en version animée et plus portée sur les univers cyberpunk et heroic-fantasy en quelque sorte, avec des partis-pris stylistiques et éthiques difficilement reproductible de nos jours (un mal pour un bien) mais qui dispose néanmoins d'un charme assez attendrissant tout particulièrement au cours de ses segments les plus mémorables, mention spéciale à "B-17", écrit par ailleurs par Dan O'Bannon. Bref, un pur petit plaisir bis loin d'être sans défaut, notamment une animation bien souvent assez douloureuse, mais qui donne très envie de se plonger dans l'univers des bande-dessinées de cette époque. -TR




C'est tout pour aujourd'hui au Forum des Images... Mais ce n'est pas tout pour ces dix jours, on se retrouve dès demain pour de nouvelles aventures ! Si, par la force ou en dépit des critiques, vous aimeriez plonger dans l'Étrange durant cette dizaine d'après-midis, le planning des séances ainsi que les tarifs sont présents à cette adresse: https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/etrange-festival-2019, ou directement sur place, au Forum des Images ! A bientôt sur le site...

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