ÉTRANGE ANNIVERSAIRE L'ÉTRANGE #3 - C'EST DANS LES VIEUX POTS...

Pour la deuxième année consécutive, D'un Écran à l'Autre est heureux de couvrir L'Étrange Festival situé au Forum des Images, du 4 au 15 septembre prochain. Pour son 25ème anniversaire, le festival offre l'une de ses programmations les plus ambitieuses, entre ses pas moins de vingt-cinq cartes blanches laissées à des artistes audiovisuels, ou encore une compétition internationale garnie de nombreuses premières françaises. Et au programme d'aujourd'hui: du vieux, du vieux, du vieux et même du neuf avec du vieux. Vous trouvez ça étrange ? Non ? Attendez un peu...




- BLOOD & FLESH : THE REEL LIFE & GHASTLY DEATH OF AL ADAMSON, David Gregory, 2019 : Al Adamson n'est pas ce que l'on pourrait considérer comme un réalisateur réputé qui aura marqué l'histoire du cinéma de son emprunte, c'est le moins que l'on puisse dire. D'un père autrefois lui-même réalisateur de westerns fauchés, le bon Al va poursuivre cette tradition familiale mais en décidant d'exploiter tous les filons à la mode du cinéma de série-B des années 60/70 (du film de bikers au films de monstres), pour un résultat bien souvent triste à voir mais qui aura fait le bonheur des salles indépendantes américaines et des amateurs d'étrangetés underground. Une histoire que David Gregory nous dévoile ainsi au grand jour dans un documentaire tout simplement passionnant, extrêmement bien documenté et surtout dénué de tout cynisme, le film nous faisant définitivement prendre de l'empathie pour ce Ed Wood alternatif.



Que vous connaissiez ou non la carrière de Al Adamson importe peu tant le film se montre très complet sur le sujet et nous permet de découvrir tout un pan du cinéma des années 60 rarement documenté de manière aussi conséquente, et avec des témoignages véritablement précieux. Mieux encore, le documentaire se permet même quelques sorties de route complètement imprévisibles mais très bien négociées, notamment lorsque celui-ci aborde les tendances conspirationnistes et UFOlogistes de notre cher protagoniste central ou encore lorsqu'il aborde sa mort de ce dernier, assassiné d'une manière aussi macabre et improbable que ses films. Une vraie belle découverte que ce Blood & Flesh, qui mérite toute votre attention et qui va sans aucun doute grossir davantage votre watchlist de films déviants à découvrir. -TR



BLOOD & FLESH : THE REEL LIFE & GHASTLY DEATH OF AL ADAMSON sera rediffusé aujourd'hui, le samedi 07 septembre, à 19h30. Plus d'infos sur le film sur le site du Forum des Images indiqué ci-dessous. Aucune date de sortie française n'est encore prévue pour ce film. 



- IRRÉVERSIBLE : INVERSION INTÉGRALE, Gaspar Noé, 2002/2019 : Avant même de rentrer dans la salle, tout le public de L'Étrange savait qu'il allait assister à une séance pas comme les autres. Non pas que l'opportunité de redécouvrir le film-phare de Gaspar Noé dans un nouveau montage chronologique était en soi un événement unique mais plutôt celui de revoir, 17 ans après le choc initial de sa sortie, la quasi-totalité du casting principal du film sur la scène de la salle 500, prononçant chacun avec une véritable émotion palpable leur ressenti sur cette expérience qui aura marqué l'histoire du cinéma français à plus d'un titre. Une belle réunion de famille en somme, dont même Philippe Nahon a tenu à participer, qui prouve bel-et-bien le culte légitime que le film a pu gagner au fil des années et qui aura sûrement fait un petit pincement au cœur de bon nombre de spectateurs et spectatrices dans la salle.



De la même manière que la version Black & Chrome de Mad Max : Fury Road, cette "Inversion Intégrale" de Irréversible ne change pas radicalement notre visionnage du film, mais elle permet néanmoins de mettre en valeur certains éléments insoupçonnés ou tout du moins plus discrets auparavant, et notamment toute la partie entourant le personnage de Monica Bellucci, renforçant par exemple la portée résolument féministe du long-métrage. Le récit prend alors plus des airs de tragédie plutôt que de pamphlet fataliste sur le temps détruisant tout, ce qui semble entrer davantage en adéquation avec la philosophie actuelle de son réalisateur, qui semble désormais privilégier l'instant présent avant sa destruction plutôt que de ne penser qu'à sa fin irrémédiable, un propos déjà palpable dans Climax et qui se poursuit ici.



Nul doute que beaucoup penseront que ce nouveau montage de Irréversible ruine justement tout l'intérêt du film, et ils/elles auront entièrement raison de le penser tant il reste strictement identique au matériau de base, reste que l'expérience sensorielle et physique de l'oeuvre reste, elle, intacte et permet de nous rendre davantage compte du pavé dans la mare radical et définitif que le quatuor Noé/Cassel/Bellucci/Dupontel nous ont offert en cette belle année 2002. -TR



IRRÉVERSIBLE ressortira dans les salles françaises en fin d'année 2019, dans son montage original et son montage "Inversion Intégrale".



- LA CHUTE D'UN CORPS, Michel Polac, 1973 : Le cinéma de genre français regorge de petites curiosités aussi étranges que provocatrices et il est évident que La Chute d'un Corps n'échappe pas à cette règle. Presque tombé dans l'oubli depuis sa sortie dans les années 70, c'est pourtant une vraie belle surprise, non sans défauts bien entendu, que nous avons pu découvrir là en format 35mm grâce à l'obstination de Gaspar Noé, qui l'avait découvert à l'époque dans des conditions exécrables. Il n'empêche que pour ce troisième film signé Michel Polac, plus connu pour son statut de présentateur télé, on se retrouve devant un étrange mélange des genres, partant d'un thriller paranoïaque somme-toute assez classique, avec une jeune femme enquêtant sur son voisin de l'étage du dessus et ses agissements de plus en plus troublants, pour finalement rejoindre des sphères nettement plus imprévisibles et existentialistes, voire même carrément mystiques.



Si le film accuse néanmoins un rythme trop assommant qui lui fait perdre considérablement de son impact dans sa dernière partie (paradoxalement la plus intéressante), La Chute d'un Corps possède néanmoins un charme indéniable typique du cinéma français de cette époque, qui permet également de lui donner un autre visage beaucoup plus sombre et critique, tout particulièrement sur l'entre-soi communautaire et l'aliénation des peuples sous couvert d'émancipation de soi. Une perle rare imparfaite, c'est indéniable, mais une perle rare qui récompense notre cinéphilie acharnée comme il se doit. -TR




LES PETITES MARGUERITES, Vera Chytilova, 1966 : Ne vous laissez pas berner par ses quelques images chatoyantes que l'on peut trouver sur Internet car sous ses airs naïfs, Les Petites Marguerites est tout sauf un film sage. A vrai dire, on est même là devant un film qui ne respecte absolument rien ni personne, et encore moins les conventions bourgeoises de son époque, à savoir en pleine Tchécoslovaquie, peu de temps avant le Printemps de Prague.



Cependant, malgré son propos extrêmement enragé, Les Petites Marguerites est surtout une comédie résolument absurde où rien ne fait sens mais où tout est prétexte à la destruction des mœurs. Suivant deux jeunes femmes (Marie 1 et Marie 2) décidant de devenir "dépravées" par simple ennui, c'est avec un plaisir non dissimulé que nous les suivons draguer de manière abusive et manipulatrice de vieux bourgeois, perturber en plein état d'ivresse un spectacle musical dans un restaurant ou encore, en guise de point d'orgue, saccager la totalité d'une réception gastronomique, qui offre un moment de comédie d'une acidité tout simplement magistrale.



Tantôt bucolique, tantôt jouissif, tantôt angoissant, Les Petites Marguerites tient surtout à la symbiose tout simplement exceptionnelle (sans aucune exagération) de ses deux actrices principales, Jitka Cerhova et Ivana Karbanova, qui se voient dotées d'un pouvoir d'attraction et humoristique incroyable et proposent des performances marquantes et à la hauteur du propos à la fois punk et volontairement naïf du long-métrage. Un esprit punk que l'on retrouve par ailleurs au travers de la magnifique photographie du film, par ailleurs remastérisé avec une beauté éclatante, qui semble ne suivre aucune règle préconçue de cinéma et s'amuse à changer de filtres colorimétriques d'un plan à l'autre, par pur plaisir de destruction des normes établies. Inutile d'en dire plus, d'autant que le film est clairement inexplicable en l'état, mais si vous souhaitez voir un pépite singulière et engagée qui va vous rester en tête pour un bon bout de temps, vous savez ce qu'il vous reste à faire. -TR



C'est tout pour aujourd'hui au Forum des Images... Mais ce n'est pas tout pour ces dix jours, on se retrouve dès demain pour de nouvelles aventures ! Si, par la force ou en dépit des critiques, vous aimeriez plonger dans l'Étrange durant cette dizaine d'après-midis, le planning des séances ainsi que les tarifs sont présents à cette adresse: https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/etrange-festival-2019, ou directement sur place, au Forum des Images ! A bientôt sur le site...

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