ÉTRANGE ANNIVERSAIRE L'ÉTRANGE #11 - ET NE NOUS SOUMETS PAS A LA TENTATION...

Pour la deuxième année consécutive, D'un Écran à l'Autre est heureux de couvrir L'Étrange Festival situé au Forum des Images, du 4 au 15 septembre prochain. Pour son 25ème anniversaire, le festival offre l'une de ses programmations les plus ambitieuses, entre ses pas moins de vingt-cinq cartes blanches laissées à des artistes audiovisuels, ou encore une compétition internationale garnie de nombreuses premières françaises. Au programme pour ce dernier jour (snif) : de la poésie dans la langue de Rammstein, du combat nucléaire, du combat... manuel. Vous trouvez ça étrange ? Non ? Attendez un peu...


THE ART OF SELF-DEFENSE, Riley Stearns, 2019 : Attaquons donc cette dernière journée d'Étrange Festival (snif) avec ce qui aura été probablement l'un des plus gros buzz de cette 25ème édition suite à sa première projection à guichets fermés. Comédie noire nous racontant l'histoire d'un jeune homme introverti décidant de prendre des cours de karaté après s'être fait agresser en plein milieu de la nuit, The Art of Self-Defense peut presque faire penser à une version humoristique de Fight Club tant il partage certains traits scénaristiques communs ainsi que plusieurs thématiques phares, et tout particulièrement celui de la quête de masculinité.

Muni d'un casting tournant à plein régime, et surtout d'un Jesse Eisenberg que l'on avait rarement vu aussi drôle, Riley Stearns joue habilement avec le spectateur et perturbe ses attentes comme bon lui semble, passant de scènes à l'humour extrêmement acide sur nos conditions humaines à d'autres moments de pur comique absurde et revendiqué. Une très jolie surprise donc qui, avec Vivarium, confirme notre souhait de voir exister un jour un Jesse Eisenberg X Imogen Potts Cinematic Universe. -TR.


L'Étrange du film vient d'un effroyable paradoxe. Il y a dans The Art of Self-Defense un amour de la satire absurde sur un monde qui souhaite revenir à une idée précise de la virilité. Parfois un peu programmatique, Riley Stearns parvient à s'en sortir grâce à un inventaire de gags très bien sentis, qui provoquent un malaise en supplément de l'hilarité. Mais The Art of Self-Defense reste un paradoxe tant il s'émancipe de toute morale, dresse une impasse à ses personnages, qui s'enfoncent dans leurs caricatures quitte à ne plus jamais en sortir. Une sorte de défaite maquillée en victoire sur l'instant.

Si le film fonctionne aussi bien, c'est parce qu'il a le mérite d'être porté par son casting déjanté et concerné. Après Vivarium, Imogen Poots et Jesse Eisenberg se retrouvent et se donnent en karatékas touchants malgré leur comportement de plus en plus mécanique. Alessandro Nivola, maître de dojo psychopathe, n'est pas non plus en reste dans cette gaudriole cynique, dont l'humour sadique vient court-circuiter l'aspect de prime abord potache du long-métrage. Brillante réussite ! -TB.

Aucune date de sortie française n'est encore prévue pour ce film.



ATOMIC CAFÉ, Jayne Loader, Kevin Rafferty & Pierce Rafferty, 1982 : C'est donc Clothilde Courau qui aura eu l'honneur de clore ce long parcours de cartes blanches toutes plus enrichissantes les unes que les autres. Et en l’occurrence, sans mauvais jeu de mots, Atomic Café aura été une conclusion... explosive. Constitué uniquement à partir d'images d'archives relatant l'arrivée de la bombe atomique aux États-Unis et la peur naissante du nucléaire qui suivra au cours de la guerre froide avec l'URSS, ce documentaire aborde plus largement le pouvoir de manipulation terrifiant dont dispose le gouvernement et les forces armées en cas de situation critique. C'est un véritable travail de montage ingénieux et complet qui fût réalisé par les trois cinéastes derrière le projet, mélangeant à leur guise vidéos de propagande à destination de plus jeunes, reportages télévisés sur le bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki ou encore discours présidentiels alors que le rideau de fer commence à émerger et va conduire l'Amérique du Nord a un repli sur soi-même tout simplement fascinant et terrible à la fois.

S'il est bien normal de rire devant certaines énormités de l'époque, ce qui est par ailleurs la vocation d'origine du film, force est d'admettre que le documentaire prend toute sa gravité si l'on fait l'effort de le mettre en parallèle avec notre monde d'aujourd'hui. Sans aller jusqu'à l'analyse de comptoir, il semble particulièrement intéressant de conserver en tête certaines outrances de Atomic Café à une heure où la communication politique est omniprésente sur tous les réseaux et où la profession du journalisme devient elle-même divisée sur la question de l'information à tout prix. Atomic Café ne sera peut-être pas les 1h25 les plus plaisantes que vous aurez à vivre devant un film mais il n'en reste pas moins un film mémorable à plus d'un titre, encore plus aujourd'hui. La force tranquille. -TR.



IRON FISTS & KUNG-FU KICKS, Serge Ou, 2019 : Les explosions nucléaires c'est bien beau sur les photos mais qu'est-ce qui nous manquait pour terminer pour de bon cette 25ème édition de l'Étrange Festival ? Du kung-fu bien évidemment ! Et quoi de mieux qu'un documentaire retraçant l'ensemble de l'histoire du kung-fu dans le cinéma, de sorte à encore plus remplir nos watchlists avant l'année prochaine, je vous le demande.

Produit par l'équipe déjà derrière les passionnants Electric Boogaloo et Not Quite Hollywood (deux pépites à voir absolument), Iron Fists & Kung-Fu Kicks multiplie les références et les interventions d'artistes aussi divers que passionnants... Voire même un peu trop. Car le principal souci majeur du documentaire (mais qui aussi être une force pour certain.es), c'est qu'il semble vouloir aborder trop de sujets différents en seulement 105 minutes. La conséquence de cela est que l'on se retrouve ainsi avec un montage qui ne s'arrête quasiment jamais et qui surtout, plus décevant, ne prend pas suffisamment de temps à s'attarder sur les films qu'ils aborde, ou alors qu'à de très rares exceptions. On arrive ainsi à une sorte de syndrome de "trop plein" qui fait que l'on n'arrive plus à mémoriser précisément tous les films mentionnés et on ne retient que les idées émises plutôt que ses exemples les plus symboliques (alors que tous les extraits des films présentés donnent diablement envie de les découvrir sur le champ). De plus, l'autre point décevant du documentaire est qu'il a parfois tendance à un peu trop s'éparpiller et à se rapprocher dangereusement du hors-sujet, notamment lorsqu'il aborde la pratique du parkour, quand bien même Serge Ou parvienne à retomber sur ses pattes quelque peu maladroitement.

Néanmoins, ce trop-plein est aussi ce qui rend le documentaire finalement touchant à l'arrivée puisque l'on sent que son réalisateur a tenu à en dire le plus possible, parfois même jusqu'à l'excès comme en témoigne ses nombreuses utilisations de filtres "BD" à la manière d'un épisode de Nanaroscope!. On pense d'ailleurs assez souvent à cette série-documentaire (tout aussi indispensable) dans le ton général employé mais également dans les exemples abordés, notamment les passages mentionnant les multiples clones de Bruce Lee "créés" après sa mort ou encore la création de Wakaliwood qui peuvent, pour les inités à la série d'ARTE Creative, sonner comme une redite. Mais ne boudons pas notre plaisir tant Iron Fist & Kung-Fu Kicks parvient à nous donner envie de plonger tête la première dans l'univers dense et sans fin de la Shaw Brothers et de la Golden Harvest et ça, c'est bien sa plus grande qualité. -TR.

Aucune date de sortie française n'est encore prévue pour ce film.



C'est ainsi que s'achève notre périple au Forum des Images. Dix jours de compétition acharnée et de sélections alternatives de très bon cru, où il y eut à boire et à manger chaque jour. Sélections d'un très bon niveau, à la qualité croissante au fur et à mesure des journées passées, qui auront vu Vivarium de Lorcan Finnegan gagner le Prix Canal+; et The Odd Family: Zombie on Sale le Prix du Public. On se retrouve l'année prochaine pour la vingt-sixième édition de l'Étrange Festival au Forum des Images donc, pour une nouvelle programmation, qu'on espère aussi bonne que cette année ! D'ici là, le blog continuera à publier de nombreuses critiques sur les films en salles...


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