ÉTRANGE ANNIVERSAIRE L'ÉTRANGE #2 - VOYAGE EN CONTRÉES LOINTAINES

Pour la deuxième année consécutive, D'un Écran à l'Autre est heureux de couvrir L'Étrange Festival situé au Forum des Images, du 4 au 15 septembre prochain. Pour son 25ème anniversaire, le festival offre l'une de ses programmations les plus ambitieuses, entre ses pas moins de vingt-cinq cartes blanches laissées à des artistes audiovisuels, ou encore une compétition internationale garnie de nombreuses premières françaises. Et au programme d'aujourd'hui: des zizis-bâton, un doigt, un oisillon mort et une radio cassée. Vous trouvez ça étrange ? Non ? Attendez un peu...



- DREAMLAND, Bruce MacDonald, 2019 : Le festival de L'Étrange a-t-il vraiment commencé ce jeudi ? C'est fort probable. Théâtre absurde sur fond de film noir surréaliste, Dreamland est un film à la beauté plastique indéniable, servi par des acteurs habités et une ambiance léchée qui étonne par son accumulation de références. Le film est copieux, et offre quelques scènes savoureuses, à la lisière de la comédie burlesque. Il suffit de voir Juliette Lewis en comtesse dans un palais où les lois du pays n'existent plus, pour comprendre le souffle comique de l'entreprise et la volonté de chaque acteur d'être complètement impliqué dans le long-métrage ! Le seul hic, finalement, réside dans le côté "surréaliste" du film, qui apparaît dès lors gratuit et qui ne sert qu'à insuffler de nouvelles modalités esthétiques inutiles, bien que le film possédait déjà en lui une structure assez solide pour tenir le cap. Ça reste toutefois très regardable. -TB.


Aucune date de sortie française n'est encore prévue pour ce film.

- SHADOW, Zhang Yimou, 2018 : Cela faisait déjà quelques années que l'on attendait de pied ferme le retour en pleine forme du réalisateur de Hero et du Secret des Poignards Volants. Fuyant les grosses productions dans le style de La Grande Muraille pour revenir à des histoires beaucoup plus terre-à-terre et avant-tout basées sur l'humain, Shadow donne néanmoins l'impression d'assister à deux films imbriqués en un de manière un peu laborieuse. Alors que le long-métrage débute par une bonne heure d'intrigue politique loin d'être des plus passionnantes à base de trahisons, de complots et d'agent secret, quasiment presque tout cet élément disparaît subitement alors que débarque les grandes scènes d'actions et de batailles épiques qui, pour le coup, sont proprement hallucinantes en terme de chorégraphie et de mise en scène. 

Malheureusement, cette dualité de tons fait que l'on ressort de la séance avec un sentiment mitigé, comme si l'on avait vu un spectacle visuel magnifique et prenant (notamment grâce à une photographie tout simplement majestueuse) mais parasitée de l'intérieur par une intrigue inutilement alambiquée qui aurait méritée à être plus resserrée. Une déception finalement moindre en comparaison du plaisir provoqué dans sa globalité. -TR.





"TROP BIEN UN NOUVEAU ZHANG YIMOU, ON PREND NOS PLACES !" Tels étaient les mots de l'équipe de D'un Écran à L'Autre avant d'aller voir l'attendu Shadow, dont les extraits pullulaient sur la toile depuis déjà quelques mois. Revanchard après son médiocre passage américain avec La Grande Muraille, Shadow devait en être le contrepoint inspiré et habité de son auteur, une fresque où l'intime rejoint le destin des Trois Royaumes de Chine au IIIème siècle. 

Difficile pourtant de trouver vraie chaussure à son pied dans ce maelström formellement racé mais qui perd en envergure au fil du long-métrage. Très Shakespearien, dans ce ballet de personnages qui se mentent et se trahissent pour un objectif macroscopique dont les enjeux intimes restent inconnus pour eux, Shadow joue qui plus est avec son esthétique numérique très lisse, artificielle, et de sa colorimétrie terne pour en évoquer l'instabilité d'une paix et de Royaumes voués à s'écrouler dans quelques années. Il n'est donc pas impossible d'y trouver un film pessimiste, intelligent dans sa forme et sa posture proche du chaos général, de la part de son réalisateur, loin de l'âge d'or de l'Empire du milieu.

Mais le vrai problème du film est qu'il dure un petit peu moins de deux heures, enveloppé dans des tunnels de dialogue répétitifs qui perdent progressivement en intérêt tant la première partie semble s'allonger pour un rien. Parler d'un pays qui s'effondre et de conspirations politiques est une chose louable, la rendre didactique par un surplus d'informations à valeur progressivement plus historiques que narratologiques font perdre le fil et se demander où ceci veut bien en venir. Par chance, les cinquante dernières minutes, qui quittent ce carcan schématique pour atteindre un horizon précis et resserre alors le récit, offrent un peu de répit à la première heure qui aurait pu être raccourcie. Un peu comme si Zhang Yimou n'avait fait ce film que pour ses deux derniers actes... -TB.

SHADOW est rediffusé au Forum des Images le 08 septembre prochain, à 16h30. Plus d'infos sur le film sur le site du Forum des Images indiqué ci-dessous. Aucune date de sortie n'est encore prévue pour ce film.





- MONOS, Alejandro Landes, 2019 : Un groupe d'enfants soldats formés à défendre une organisation dont ils ne savent rien, le tout en totale autarcie du reste du monde. Voilà comment l'on pourrait résumer Monos, première réalisation fictionnelle d'un auteur auparavant connu pour ses films documentaires. Si un tel postulat laisse présager une version enragée de Sa Majesté Des Mouches, force est d'admettre que le résultat est loin d'être aussi poussé qu'on aurait pu s'y attendre. Pourtant porté par une photographie tout simplement magnifique, le film s'engouffre très vite dans des clichés vus et revus sans toutefois y apporter la moindre substance supplémentaire, rendant ces 1h40 aussi pénibles que prévisibles.

Voilà donc pourquoi on a là l'impression de suivre un Loft Story version kids militaires plutôt qu'un véritable propos acerbe sur l'embrigadement des enfants soldats dans un conflit qu'ils ne comprennent en rien. Plutôt que d'exploiter ce dernier aspect, on regarde plutôt la vie du groupe se dégrader au fur et à mesure que les tensions se renforcent, néanmoins brillamment interprété par un casting de haute volée. En résulte donc une belle coquille vide, que l'on sauvera pour tout son aspect visuel mais c'est semblerait-il bien tout. -TR.


Voilà le premier film réussi de L'Étrange ! Il n'en fallait pas moins qu'un film dénué de fantastique pour offrir un premier shoot d'adrénaline au Forum des Images. Portrait fort d'une génération qui ne comprend pas la guerre, Monos captive par son récit à deux mouvements, entre une jeunesse éparpillée, dont on ne comprend que les fonctions et motivations, sans même comprendre d'où ils proviennent, et une otage piégée dans la jungle colombienne en proie à la survie. Le casting d'adulescents est troublant tant il semble possédé par cette environnement hostile, Moisés Arias en tête; et le regard porté par Alejandro Landes, d'une neutralité qui relève les paradoxes et le malaise de la situation que ces jeunes souhaitent tourner à leur avantage sans percevoir les tenants et aboutissants du conflit, provoquent un désir troublant d'affection envers eux, quels qu'ils soient. Finalement, l'introduction du film, où les enfants jouent au cécifoot en haut d'une colline, résume assez bien le récit: un jeu qui tend vers l'inconnu, au bord du gouffre, sans y voir le vrai problème dissimulé derrière leur condition. Le film manque peut-être d'âpreté, ou sans doute trop tendre pour convaincre dans son intégralité, mais il conserve un aspect viscéral qui, dans l'instant, impose un certain respect. -TB.

MONOS est rediffusé au Forum des Images le 09 septembre prochain, à 17h. Plus d'infos sur le film sur le site du Forum des Images indiqué ci-dessous. La sortie nationale du film est prévue pour le 4 mars 2020.




- VIVARIUM, Lorcan Finnegan, 2019 : Il est ardu de parler de Vivarium à l'heure actuelle tant ou presque semble avoir été évoqué il y a peu, lors du dernier festival de Cannes. Dernier vilain petit canard en date distribué par The Jokers, le film de Lorcan Finnegan, dont la teinte laisse paraître une évidente critique sociale et de l'esthétique publicitaire, trouve un sens plus profond lorsqu'il est réfléchi à travers le prisme du cinéma-même. Ici, il est affaire d'une mécanique bien huilée, rôdée, affaire de manipulation scénaristique autant que directive, où les acteurs sont dirigés comme des marionnettes vidées d'âme. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'elle se réduisent à effectuer des mêmes tâches, presques réduites à un instinct primaire: se nourrir et survivre, sans réfléchir à ce que pense autrui. Certes, tout est un peu balourd, et il manque un basculement vers la perte de contrôle pour que le film déchaîne toute sa verve, malgré un dernier acte aux frontières du réel qui étonne autant qu'il parait, après coup, évident. N'en reste probablement la meilleure adaptation possible du jeu de simulation Les Sims. -TB.

VIVARIUM est rediffusé au Forum des Images le 14 septembre prochain, à 22h15. Plus d'infos sur le film sur le site du Forum des Images indiqué ci-dessous. La sortie nationale du film est prévue pour le 12 février 2020.





- PROSPERO'S BOOKS, Peter Greenaway, 1991 : Les séances "carte blanche", c'est toujours un peu quitte-ou-double. Découvrir un film dont on ne sait strictement rien, le tout présenté par un.e artiste avec toute sa passion, peut soit transcender notre découverte d'une oeuvre au culte timide ou, à l'inverse, rendre notre séance d'autant plus décevante. Dans le cas de Prospero's Books, adaptation très (très) expérimentale de La Tempête de William Shakespeare, c'est malheureusement le second cas de figure qui s'est produit. 

Entendons-nous bien : Dire que le film est raté serait être d'une terrible mauvaise foi tant le travail sur la direction artistique force clairement le respect au point que l'on a difficilement du mal à croire que tous ces décors aient réellement été construits sur plateau avec une liberté créatrice qui semble ici clairement totale. De même, le film jouit d'une tendance à l'expérimentation sonore et visuelle (notamment la maîtrise des ostinato et de "l'image dans l'image") vraiment bluffante mais me concernant, il m'a été très difficile d'entrer dans l'univers du long-métrage, au point que celui-ci aura fini par en devenir insupportable. En bref, une découverte à tendance doux-amer, partagé entre la richesse créative de l'ensemble et la non-accessibilité totale du résultat final. -TR.






C'est tout pour aujourd'hui au Forum des Images... Mais ce n'est pas tout pour ces dix jours, on se retrouve dès demain pour de nouvelles aventures ! Si, par la force ou en dépit des critiques, vous aimeriez plonger dans l'Étrange durant cette dizaine d'après-midis, le planning des séances ainsi que les tarifs sont présents à cette adresse: https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/etrange-festival-2019, ou directement sur place, au Forum des Images ! A bientôt sur le site...

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