UN JOUR ETRANGE #4 - DE L'IVROGNE AU SERVICE DE CINQUANTE MILLIONS DE BRIQUES

Chaque jour du 5 au 16 septembre, D'un Ecran à l'Autre fait un point sur les différents films présentés hors et en compétition, à l'occasion de la vingt-quatrième édition de l'Etrange Festival. Au programme aujourd'hui: un suçon à vie et un cheval qui parle. Ça vous semble étrange ? Tant mieux.

LE YOUNG, WILD & FREE DU JOUR: LUNE FROIDE, Patrick Bouchitey, 1991

Bien étrange cérémonie que cette carte blanche laissée à Jackie Berroyer, figure emblématique du rock et du cinéma punk et sans concession des années 70 à 2000. Etrange, par ses idées tranchées, par l'étendue de sa culture et par le radicalisme de son écriture pour le septième Art. Ici, bien qu'il ne soit "que" scénariste de Lune Froide, c'est toute son énergie, associée à celle de son comparse Patrick Bouchitey que l'on connaîtra plus tard pour La vie privée des animaux, que l'on retrouve parsemer ce Lune Froide. Oeuvre choc, frontale et paradoxalement subversive lorsqu'il s'agit de parler des relations homme-femme abusives ou de nécrophilie, ce film dénote d'une introspection faisant état d'une première rencontre avec la mort après une vie entière de débauche. Les personnages ne subissent jamais, ils sont les acteurs d'un monde que l'on redécouvre au travers de ces deux ivrognes, et poussent dans les derniers retranchements les abîmes de la moralité. L'absence de jugement clair envoie au tapis le misérabilisme moralisateur de certains films pour mieux laisser se démarquer un je-m'en-foutisme ambiant qui fait autant sourire qu'il fait froid dans le dos. Parce que le cinéma, ce n'est pas qu'une affaire de revendication, c'est aussi une affaire de jugement uniquement débattu par le spectateur.

LA NOTE DE TANGUY:

3 JAKOVASAURES QUI CRIENT "SaLuT lEs MeCs"/5

LUNE FROIDE EST DISPONIBLE EN DVD.

LE PETIT BONHOMME EN MOUSSE DU JOUR: DES COWBOYS ET DES INDIENS, Fabrice du Welz, 2018

Il était attendu sur D'un Ecran à l'Autre, ce documentaire de Fabrice du Welz. Et finalement, il n'a pas vraiment déçu. Au-delà des divers témoignages, tour à tour instructifs, extrêmement drôles ou émouvants, appuyés par des images des différentes créations du duo Vincent Patar-Stéphane Aubier dont parle le film, Des cowboys et des indiens est un hommage certain rendu par les petites saynètes orchestrés par le réalisateur. En effet, Patar & Aubier expliquent dans le métrage leurs intentions vis-à-vis des objets qu'ils possèdent: ce n'est pas la forme des petites figurines qu'ils ont qui les intéresse, c'est seulement leur concept, la capacité à narrer quelque chose via un possible détournement. De ce fait, l'objet ne naît pas par ce qu'il représente, mais par la création de son mouvement, et sa capacité maximale à se mouvoir. Et cette idée de marionnettiste, où le réalisateur devient en quelque sorte un Dieu qu'il n'admettra jamais être, transparait dans les plans desdites saynètes, qui mettent en scènes les deux comparses animateurs se rejoindre pour aller travailler. Fabrice du Welz les met en scène dans des plans à l'esthétique très stylisée, quasiment géométrique à certains moments, pour les faire se mouvoir dans un espace urbain à mi-chemin entre le réel et le fantasme de ce réel recréé. Se met en place alors un parallèle pas inintéressant entre deux formes du medium, vouées à cohabiter sans jamais se croiser dans leurs formes les plus radicales, fusionner pour intégrer un projet homogène, où les protagonistes ne sont que des concepts extraterrestres dans un environnement où le reste est réduit à être flouté. Une chouette idée sur un documentaire d'une heure qui donne envie de voir ou revoir Panique au Village ou encore Ernest & Célestine.

LA NOTE DE TANGUY

4 JAKOVASAURES QUI CRIENT "SaLuT lEs MeCs" ET DEMI /5

REDIFFUSION DE DES COWBOYS ET DES INDIENS LE 15 SEPTEMBRE PROCHAIN A 20h15 AU FORUM DES IMAGES. PAS DE SORTIE SALLES OU DVD PRÉVUES.

Et c'est ainsi que s'achève cette première courte journée de l’Étrange Festival. Si les films d'aujourd'hui s'avéraient intéressants, on espère de tout cœur que la suite sera encore meilleure. En espérant que des surdoués tenteront enfin de détruire ce parc d'attraction capitaliste...


P.S: l'Étrange Festival se déroule toujours jusqu'au 16 septembre 2018 au Forum des Images de Paris, à partir de 14h, et les tarifs sont de 7 ou 8€ en moyenne. N'hésitez pas à venir partager des émotions ou des sensations fortes devant des films, parfois excellents, mais dont certains ne verront peut-être jamais le jour dans les salles françaises !