UN JOUR ETRANGE #1 - DE L’HYPOTHÈSE CRÉATIONNISTE EXPLIQUÉE A DES ADULESCENTS

Chaque jour du 5 au 16 septembre, D'un Ecran à l'Autre fait un point sur les différents films présentés hors et en compétition, à l'occasion de la vingt-quatrième édition de l'Etrange Festival. Au programme aujourd'hui: 2001 l'Odyssée du Gribouilli, et une chansonnade de Maître Gims. Ça vous semble étrange ? Tant mieux.






LE COURT-MÉTRAGE: Bavure, Donato Sansone, 2018




Premier film présenté durant ce festival, Bavure fait office de court-métrage expérimental, à mi-chemin entre l'animation et la prise de vues réelles. L'entreprise, très artisanale, offre une perspective thématique intéressante, à savoir le cinéma comme un prolongement essentiel de la vie. Pur film cinéphile, acheminé comme une suite logique d'événements paraissant de prime abord abstraite, Bavure voit son réalisateur Donato Sansone se servir de l'animation pour y développer une idée créationniste de la Terre afin d'y faire croiser l'art avec l'existence - la Bible pouvant être considéré comme l'une des premières formes d'art sur Terre, puis instaure une simple relation de cause à effet, dont le déroulement final n'est encore qu'une interrogation derrière une porte. Le réel, quant à lui, s'abstractise, s'évapore. D'abord "time-lapse" simple de coups de pinceaux sur une surface noire, la matière qu'elle déforme devient élastique, perd le contrôle, quitte à sentir le rapport de force évoluer et la main créatrice ne devenir qu'une mécanique suivant un mouvement préfiguré par ce qu'elle contrôlait au départ, symbole de la perte de contrôle humaine sur l'art qu'elle crée, la laissant vagabonder et devenir indépendante aux yeux des autres, spectateurs. Déroutant, intelligent, Bavure est un petit choc qui, malgré son apparence primaire, n'offre pas que de la simple citation artistique.


LA NOTE DE TANGUY : 

4 GASPAR NOE A L'AISE AVEC SON CORPS/5





LA NOTE DE MANON (son article ici):

4 RYAN GOSLING EN HERCULE, REGARD FROID ET TORSE SAILLANT A DÉFAUT D'ÊTRE HUILÉ/5






LE FILM: Anna and the Apocalypse, John McPhail, 2018




Enfin, après le premier film... court, voici le premier long concourant pour le Grand Prix Nouveau Genre délivré par le Festival et Canal+ Cinéma en fin de semaine prochaine. Et quoi de mieux pour démarrer la compétition qu'une comédie dramatique musicale avec des zombies, qui se passe à Noël ? Annoncé par son réalisateur lui-même comme un "coming-of-age movie", comprenez un film sur le passage à l'âge adulte, John McPhail distille dès lors un métrage très porté sur l'isolement post-lycée et le sentiment de solitude que peut subvenir en laissant ses années d'étude derrière. En prenant le choix de ne caractériser en profondeur que quatre personnages étudiants sur une ribambelle de seconds rôles à l'écran, les scénaristes exploitent alors toutes les pistes possibles sur la fin de l'adolescence, entre le crépuscule d'un amour de jeunesse, la découverte de la sexualité et l'affirmation d'une orientation amoureuse ou sexuelle. Si on peut lui reprocher de grands écarts de ton parfois inexplicables entre les éléments comiques et ceux dramatiques, Anna and the Apocalypse exploite des thèmes suffisamment forts à ce sujet pour emporter l'adhésion.

Au contraire, son versant musical possède plus de failles que prévues dans le déroulement du récit. En effet, sans doute par peur de ne pas tomber dans un systématisme susceptible d'être lassant, John McPhail en oublie d'instaurer tout de mêmes des codes pour maintenir une certaine logique dans son questionnement de la comédie musicale qui, avouons-le, lorgne plus vers le post-modernisme de Kenny Ortega que celui de Damien Chazelle. S'il est amusant de voir une contestation de l'horizon de la dépense, avec de la danse aléatoire, limite abstraite, au détriment d'un retour à l'idée de performance, le film n'arrive pas à choisir s'il doit rester simplement réel, ou proposer deux esthétiques séparées, à travers les focalisations. S'il faut saluer le choix du bokeh des optiques qui enferme les personnages dans leurs bulles lors de leurs passages musicaux, la frontière entre le réel et l'imaginaire de chaque personnage, qui peut se construire à ces moments puisqu'ils semblent être seuls concernés par leurs prestations, est beaucoup trop mince. Cependant, le léger cynisme du film trouve une ligne intéressante, s'amusant de quelques codes sans jamais se retrouver insultant ou méprisant envers le genre horrifique. Au final, s'il manque de choix tranchés dans ce secteur, Anna and the Apocalypse parvient à fédérer par son côté adulescent, ancré dans une réalité sociale intéressante, et à l'humour plutôt bien révélé au travers d'un montage qui fait plus penser à du Detention de Joseph Kahn, qu'à du Shaun of The Dead de Edgar Wright. Sympa d'être comparé à ces types, quand il s'agit d'un premier film.


LA NOTE DE TANGUY:

3 GASPAR NOÉ A L'AISE AVEC SON CORPS/5





LA NOTE DE MANON (son article ici):

4 RYAN GOSLING EN HERCULE, REGARD FROID ET TORSE SAILLANT A DÉFAUT D'ÊTRE HUILÉ/5




REDIFFUSION DE ANNA AND THE APOCALYPSE LE 12 SEPTEMBRE PROCHAIN A 14h45 AU FORUM DES IMAGES. PAS DE SORTIE SALLES OU DVD ENCORE PRÉVUES.

Et c'est ainsi que s'achève cette première courte journée de l’Étrange Festival. Si les films d'aujourd'hui s'avéraient intéressants, on espère de tout cœur que la suite sera encore meilleure. La lumière viendra peut-être demain, des plages nordiques, ou de quelques aventures en famille...


P.S: si jamais vous êtes intéressés à l'idée de venir faire un tour à l'Etrange Festival, sachez que cela se déroule du 5 au 16 septembre 2018 au Forum des Images à Paris, à partir de 14h, et les tarifs sont de 7 ou 8€ en moyenne. N'hésitez pas à venir partager des émotions ou des sensations fortes devant des films, parfois excellents, mais dont certains ne verront peut-être jamais le jour dans les salles françaises !

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