UN JOUR ETRANGE #5 - DE LA CATASTROPHE ROBOTIQUE CONTRE KIM JONG-IL

Chaque jour du 5 au 16 septembre, D'un Ecran à l'Autre fait un point sur les différents films présentés hors et en compétition, à l'occasion de la vingt-quatrième édition de l'Etrange Festival. Au programme aujourd'hui: un robot qui mouille, un petit toutou coréen et la classe des damnés. Ça vous semble étrange ? Tant mieux.





LE KRAFTWERK DU JOUR: VIOLENCE VOYAGER, Ujicha, 2018





Continuité intéressante. Après l'animation en stop-motion de Vincent Pater et Stéphane Aubier, vient l'animation en cut-out mais aussi en stop-motion par le réalisateur japonais Ujicha. Ici, la décomposition du mouvement importe peu, ne cache rien, seul compte le rendu final, l'expression ultime pour faire ressentir et faire avancer le récit. La vie ne se trouve que dans les changements d'état à leurs finalités, et non plus dans le mouvement pur. Violence Voyager quant à lui est un film déroutant par son animation, mais aussi par les références qu'il concentre, entre Ghost in The Shell, Frankenstein et David Cronenberg. L'ensemble dérange par son outrance gore qui pose une vision supplémentaire sur les corps inertes et vides, puisque le mouvement unique transparaissant n'est qu'une déjection de sang ou de vomi. Énième film créationniste et hard pour déjouer les codes de l'animation traditionnelle ? Plus que ça: Violence Voyager, au-delà de sa narration cousue de fil blanc, est tout de même un regard touchant sur la perte d'un proche, l'aliénation forcée et le vampirisme adolescent, sur la beauté du corps enfantin qui disparait, englouti par les substances hormonales intérieures.


LA NOTE DE TANGUY: 

4 EMMANUEL CHAIN POSE AU CALME AVEC LES MECS DU LABEL/5



REDIFFUSION DE VIOLENCE VOYAGER LE 14 SEPTEMBRE PROCHAIN A 16h15 AU FORUM DES IMAGES. PAS DE SORTIE SALLES OU DVD PRÉVUES.

LE DICTATEUR DU JOUR: THE SPY GONE NORTH, Yoon Jong-Bin, 2018





C'était la vraie-fausse sensation de Cannes dans la catégorie hors compétition, un film très attendu qui a subjugué ou laissé de marbre la communauté de la Croisette. Et en effet, il y a de quoi se sentir distant vis-à-vis de ce Spy Gone North, qui brasse quelques idées de JSA de Park Chan-Wook pour dérouler de manière légèrement éculée un regard politique sur les relations entre les deux Corée. Toutefois, bien qu'il reste à hauteur humaine, The Spy Gone North reste un film qui parle avant tout du capitalisme et de l'absurdité de son rejet: chaque personnage reste prisonnier d'une bulle qui le garde attaché à cette politique économique. Il existe donc un dilemme quasi-Shakespearien à double vitesse, entre la question de l'avenir d'un pays, qui ne se conjugue pas forcément avec celle l'individualisme forcé dans une communauté. De plus, force est de constater que l'enjeu minime prend sa place dans un mécanisme macrocosmique plus tard, renforçant le lien avec Shakespeare sur la quête intime de soi dans ce complot international. 

Ici, l'être humain nord-coréen ne se résume pas à quelqu'un prêt à tout pour sa patrie, il n'est pas une machine, il est une conscience attachée à son Président, réfléchie pour le bien-être de sa patrie. Il a conscience du sort de son peuple. Et au contraire, les Sud-Coréens sont obnubilés par le pouvoir, bloqués par une obsession que le film tente de contrecarrer. Ici, la Corée du Nord n'est pas ennemie, elle est individuelle tout en percevant une force collective, là où le Sud reste avide. Pour autant, ce regard n'est pas entièrement braqué sur une position, puisqu'il se focalise sur Park Seok-Young, sud-coréen espion au Nord pour faire tomber Pyongyang. C'est donc de ce point de vue que les pistes pis les missions se brouillent, recentrant alors son individualisme au-delà de ce qui se fomente en arrière-plan. On peut regretter l'apparition brouillonne, en effet domino poussé à l'extrême, de toutes les péripéties présentes dans la narration, ou bien le manque évident de point de vue précis à certains moments. Pour autant, cela ne gâche pas le plaisir certain entretenu durant les 2h20 de ce thriller tentaculaire moderne. L'une des grandes réussites de cette compétition Nouveau Genre.


LA NOTE DE TANGUY: 

4 EMMANUEL CHAIN POSE AU CALME AVEC LES MECS DU LABEL ET DEMI/5


SORTIE SALLES PRÉVUE LE 7 NOVEMBRE PROCHAIN.


LE TROISIÈME PAS TROP DE GAUCHE DU JOUR: L'HEURE DE LA SORTIE, Sébastien Marnier, 2018





Coup double qualitatif aujourd'hui ! Ce dimanche a aussi vu Sébastien Marnier et son casting revenir de Venise pour présenter au public de l’Étrange Festival son nouveau film, L'Heure de la Sortie. Comédiens all-star du cinéma français (Laurent Lafitte, Gringe, Emmanuel Bercot, Pascal Greggory...), ce thriller réserve bien des surprises, désamorçant ses élans fantastiques progressivement pour développer de manière verticale la thématique sur l'écologie. Pur filmpolitique et dans l'ère du temps, Sébastien Marnier passe par les différentes étapes entre l'enfance et l'adolescence pour mieux en exploiter les mystères et les doutes d'un enfant de cet âge, vis-à-vis du monde adulte. Par la même occasion, ces enfants surdoués qui occupent la majorité du casting ne sont pas réduits à de simples fonctions propres à étayer le brûlot de manière désincarné. Ils ont un background qui les fait traverser de thèmes en thèmes, comme on découvre d'épreuves en épreuves le monde adolescent via son propre groupe social. Du côté des adultes, Laurent Lafitte est comme à son habitude impérial, oscillant entre la paranoïa, le paternalisme professoral et le dilemme intime vis-à-vis de sa propre vie en plein doute. C'est donc un grande réussite pour ce film à suspense sociologique et écologique, qui n'attend qu'un revisionnage pour confirmer tout le bien pensé à la sortie de la séance.

REDIFFUSION DE L'HEURE DE LA SORTIE LE 12 SEPTEMBRE PROCHAIN A 15h30 AU FORUM DES IMAGES. SORTIE SALLES PRÉVUE LE 9 JANVIER 2019.

LA NOTE DE TANGUY: 

4 EMMANUEL CHAIN POSE AU CALME AVEC LES MECS DU LABEL ET DEMI/5




Et c'est ainsi que s'achève cette première courte journée de l’Étrange Festival. Si les films d'aujourd'hui s'avéraient intéressants, on espère de tout cœur que la suite sera encore meilleure, voire mieux, que tout cela se métamorphose enfin en une explosion de couleurs et lingots d'or.


P.S: l'Étrange Festival se déroule toujours jusqu'au 16 septembre 2018 au Forum des Images de Paris, à partir de 14h, et les tarifs sont de 7 ou 8€ en moyenne. N'hésitez pas à venir partager des émotions ou des sensations fortes devant des films, parfois excellents, mais dont certains ne verront peut-être jamais le jour dans les salles françaises !

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