UN JOUR ETRANGE #2: DE L'INSOUTENABLE 16MM SCOPE ESPAGNOL
Chaque jour du 5 au
16 novembre, D'Un Ecran à l'Autre fait le point sur les différents films
présentés hors et en compétition, à l'occasion de la vingt-quatrième édition de
l’Étrange Festival. Au programme aujourd'hui: une balade mentale dans des
forêts alcooliques. Ça vous semble étrange ? Tant mieux.
L'ECHEC DU JOUR: Luz, Tilman Singer,
2018
Sur le papier, le projet de Tilman Singer avait de
quoi faire rêver: quoi de mieux pour secouer la planète Étrange qu'un
thriller psychologique ayant pour unité de lieu la psyché d'une personne
mentalement dérangée ? Cependant, la réalité du film est tout autre: en
superposant maladroitement trois strates de récit, le réalisateur Tilman Singer
oublie son récit et ses thématiques en cours de route, se contentant d'une
boucle narrative infernale plus lassante que véritablement oppressante. Le 16mm
scope, de prime abord intriguant, perd complètement de sa saveur lorsqu'il
n'apparait que comme un hommage vide au cinéma d'exploitation srréaliste des
années 70. Parcouru de quelques fulgurances lorsque ces effets de style ne sont
pas encore salement empilées, Luz ne laisse malheureusement en
bouche qu'un joyeux bordel progressivement gratuit et inoffensif qu'une plongée
dérangeante dans une chauffeuse de taxi en transe. La déception est assez
grande.
LA NOTE DE TANGUY:
1 DAVID CROSS PARAPLEGIQUE QUI FAIT DU BREAKDANCE/5
LA NOTE DE MANON:
1 BRICK TAMLAND QUI CHEVAUCHE UN OURS/5
REDIFFUSION DE LUZ LE 11 SEPTEMBRE PROCHAIN A 17h45 AU FORUM DES IMAGES. SORTIE SALLES PRÉVUE LE 16 SEPTEMBRE PROCHAIN.
L'ESPOIR DU JOUR: Up Upon
the Stars, Zoe Berriatùa, 2018
Amusant de voir l'articulation du cinéma de genre purement espagnol dans le
pays monarchique. Zoe Berriatùa, produit par l'immense Alex de la Iglesia,
concentre de nombreuses qualités, développées plus bas, mais aussi de nombreux défauts avec son film Up Upon The Stars. Son
long-métrage a la superbe faculté de pouvoir disséquer les rapports familiaux
face à l'imaginaire, en se servant du cinéma comme le langage commun entre un
père veuf alcoolique et son jeune fils. Biberonné au cinéma d'exploitation des
années 60 et 70, Up Upon The Stars est une revisite du mythe
d'Orphée dans sa deuxième strate de récit pour répondre à la première
développée, et en même temps déclaration à double-fond: si l'amour envers les
genres qu'ils croisent émeuvent et sont plutôt bien reliés, le film n'hésite
pas à charger une industrie cinématographique espagnole spécifique de plus en plus
esseulée, obligée de se replier sur elle-même, basculant les ambitions démesurées en des home-movies honnêtes mais en
deçà des possibilités souhaitées. On ne peut s'empêcher de soulever divers
problèmes de longueurs dans un film pourtant uniquement narratif, sans bout de
gras qui auraient pu être pourtant intéressants dans ses 1h27 trop cousues de fil blanc et trop référencées pour délivrer ne seraient-ce que de minces surprises, mais les idées
globales évoquées sont suffisamment bien exploitées pour satisfaire et émouvoir
le public présent pour cette séance.
LA NOTE DE TANGUY:
3 DAVID CROSS PARAPLEGIQUE QUI FAIT DU BREAKDANCE ET
DEMI/5
LA NOTE DE MANON:
3 BRICK TAMLAND QUI CHEVAUCHE UN OURS ET DEMI/5
REDIFFUSION DE UP UPON THE STARS LE
11 SEPTEMBRE PROCHAIN A 15h30 AU FORUM DES IMAGES. PAS DE SORTIE SALLES OU DVD
ENCORE PRÉVUES.
LE CHOC DU JOUR (DU FESTIVAL
?): Utoya, 22 Juillet, Erick Poppe, 2018
C'était l'une des sensations du dernier festival de Berlin, il était donc
logique que sa venue au Forum des Images était scrutée attentivement. Filmé et
monté comme un plan-séquence, basé uniquement sur du hors-champ, Utoya,
22 Juillet, devait être le témoignage complet sur le déroulement des
événements sur l'île d'Utoya, lors du massacre de jeunes du parti travailliste
par le militant néo-nazi Anders Breivik. Des défauts, il y en a: étirant son
introduction avec des dialogues palliatifs répétitifs et sans naturel
("Mais non, t'inquiète, il ne se passera rien ici", répété inlassablement
sans la moindre crédibilité), le métrage touche rapidement ses limites de son
dispositif dans son casting constitué uniquement d'amateurs et ses dialogues
qui nuisent au naturalisme souhaité. Mais le choc, lui, intervient quelques
secondes après. En optant pour le choix du plan-séquence, Erick Poppe jouait
avec le feu; pourtant, c'est ce procédé filmique qui permet d'être au plus
proche de la question de l'instantanéité. Poppe fait traîner en durée, choisit
une focalisation ambiguë, entre actrice et en constant mouvement; mais aussi
absente, en raison d'une non-interactivité avec les autres protagonistes. Pour
autant, la tension se fait ressentir, et le réalisateur se retrouve être très
juste quant aux différentes évolutions physiologiques et psychologiques des
humains face au traumatisme. Tour à tour aguerri, nerveux et en détresse, les
personnages ne sont que de simples êtres humains, en proie à un adversaire
invisible dont son absence précise à l'écran nourrit une pensée radicale contre
l'extrême-droite norvégienne. Ouvertement politique en l'absence d'un
antagoniste nommable dans la diégèse, Utoya, 22 Juillet crispe
et fracasse les nerfs du spectateur dans une immersion en temps réel, où la
direction d'acteurs naturaliste associée à un sound-design millimétré clouent
directement au fauteuil. Pas entièrement réussi, mais percutant et important.
LA NOTE DE TANGUY:
3 DAVID CROSS PARAPLEGIQUE QUI FAIT
DU BREAKDANCE ET DEMI/5
REDIFFUSION DE UTOYA, 22 JUILLET LE 15 SEPTEMBRE PROCHAIN A 19h15 AU FORUM DES
IMAGES. SORTIE SALLES PRÉVUE LE 22 DÉCEMBRE PROCHAIN.
Et c'est ainsi que
s'achève cette première courte journée de l’Étrange Festival. Si les films
d'aujourd'hui s'avéraient intéressants, on espère de tout cœur que la
suite sera encore meilleure. Qui sait, les cinq étoiles du maillot brésilien seront bientôt alignées, afin de faire vivre les plus belles monstruosités...
P.S: l''Etrrange Festival se déroule toujours jusqu'au 16 septembre 2018 au Forum des Images de Paris, à partir de 14h, et les tarifs sont de 7 ou 8€ en moyenne. N'hésitez pas à venir partager des émotions ou des sensations fortes devant des films, parfois excellents, mais dont certains ne verront peut-être jamais le jour dans les salles françaises !
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