POSSESSOR - BRANDON FAUX-SEMBLANT DE DAVID

LE FILM EST EN COMPETITION NOUVEAU GENRE POUR L'ETRANGE FESTIVAL 2020.


Cela me fait de la peine d’invoquer aussi prestement le nom de David Cronenberg pour parler de Possessor, second long-métrage de son fils Brandon, présenté en ouverture de l’Étrange Festival. Soyons clairs : ce référent aussi écrasant n’est pas motivé ici par un simple nom de famille, mais bien par le réinvestissement flagrant (et malheureux) des thématiques du père par le fils. Soit : faire de notre corps et de notre esprit les terrains de jeu de l’altérité, mettre en scène l’infiltration de l’« autre » au fond du « même », et représenter, sur la durée, la déliquescence de l’être face à l’autonomisation de son propre corps. Le pitch de Possessor (mais aussi celui d’Antiviral, premier long de Cronenberg fils) sied parfaitement à ce canevas thématique : Tasya (Andrea Riseborough), tueuse professionnelle, se sert d’implants cérébraux afin de commettre des meurtres en « possédant » le corps d’autres personnes. Problème : elle se retrouve piégée dans l’esprit d’un homme aux intentions malsaines. Rien d’original donc, les possibles tenants et aboutissants d’une telle idée (la question du libre-arbitre, de la pulsion de mort, de l’avilissement moral…) ayant TOUS été explorés, traités et retraités par Cronenberg père. Mais le cinéma est avant tout une question de point de vue, aussi ai-je naïvement laissé le bénéfice du doute à Brandon Cronenberg, avec cet espoir qu’il puisse enfin apporter sa propre patte sur un sujet comme celui-ci.



Fâcheusement, le cinéaste n’a apparement rien de bien nouveau à dire par rapport à son premier long (qui déjà patinait dans la semoule à grands coups de clichés visuels et de pistes inabouties), ni même quoi que ce soit à dire tout court. Possessor fait de l’« image » (des néons dont la couleur n’évoque rien, des plans au décadrage inutile, des comédiens apathiques et des scènes de violence surmixées), sans réels enjeux, sans intérêt aucun pour ses personnages, se confortant même dans une position surplombante extrêmement désagréable. Pire, le cinéaste se morfond dans de la « shock value » gratuite de petit malin, vide de sens, pas transgressive pour un sou, et inutile dans l’économie globale d’un récit dont les rares pistes de réflexions auraient pu être traitées en un format court. Si vous voyez le film, faites le test en vous posant ces deux questions : pourquoi tel personnage choisit de tuer tel autre personnage de cette manière ? Pourquoi filmer cette mise à mort de cette manière, avec ce cadre, cette coupe, etc. ? Spoiler : vous aurez du mal à formuler une réponse, tout simplement parce que le film ne prétend à rien d’autre, dans ces séquences précises, qu’à choquer son spectateur. En somme, la violence qu’il met en scène ne raconte rien.

 

Plombé par des personnages inconsistants (quelqu’un se rappelle du prénom du gamin de Tasya ? Ou de celui de son mari ?), par la lourdeur des poncifs visuels qu’il se permet de réinvestir, et, encore plus grave, par une absence totale de point de vue sur son sujet, Possessor n’est malheureusement que le chromosome 0 pointé d’un semblant de style « cronenbergien », évidé du moindre embryon d’intérêt. Un conseil : allez plutôt découvrir ou redécouvrir Scanners au Grand Action, où un seul plan sur le visage de Michael Ironside vous convaincra qu’il n’y en a pas deux comme David.


Paul Hébert.



POSSESSORUn film écrit et réalisé par Brandon Cronenberg - Avec Andrea Riseborough, Christopher Abbott, Sean Bean - 103 minutes - 2020.


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