LES CONTES DES TERRES AU CURE - CHAPITRE I: REFERMER POUR REECRIRE.
[POUR VOUS FACILITER LA LECTURE, L'AUTEUR
DE CE BILLET A VU SON FORT ACCENT LANDAIS ETRE SUPPRIME APRES RELECTURE DE
LA PART DES MODERATEURS, ET CE SUR L’INTEGRALITE DU TEXTE. MERCI DE VOTRE
COMPREHENSION.]
[ET BONNE ANNÉE.]
[ET POMMES SAUTÉES.]
[JE SUIS HILARANT MOI.]
"Il était une fois. Toutes les histoires commencent comme ça."
Abd Al Malik, Qu'Allah Bénisse la
France, 2014.
Il était une fois, dans le royaume de la
cinéphilie, un individu bon vivant bien que financièrement modeste. Ses
affaires n'avaient jamais vraiment évolué, lui qui refusa le travail après
pourtant avoir été déclaré apte; mais cela provenait sans doute du fait qu'il
n'avait pas réellement envie de prospérer tout de suite. Tan, l'individu dont
je vous narre l'histoire depuis le début, vaquait dès lors à ses occupations
chez ses parents qu'il a rejoint pour les fêtes de fin d'année, après s'être
frayé un chemin entre les bourrasques présentes sur sa route et avoir survécu à
un rude hiver, l'ayant même propulsé une fois de plus dans un univers fort fort
lointain.
Lors d'une nouvelle journée pluvieuse, et
ne sachant quoi faire, Tan décida de fouiller dans les affaires que ses
géniteurs avaient soigneusement conservé dans de grands cartons. Au fond de
l'un d'entre eux, caché entre ses bandes dessinées Les Blagues de Toto et
ses jeux Pro Evolution Soccer pour PlayStation 2, se
présentait un très grand et lourd miroir. Étrange, se dit notre personnage.
D'où pourrait provenir cette glace ? Il la sortit dès lors de ses souvenirs
d'enfance et la posa sur son bureau. Il se regarda, et se recoiffa dans le
miroir, bien qu'il n'eût pas besoin de se retrouver face à lui pour se gratter
la tête au moins 117 fois dans la même journée auparavant. Mais au fur et à
mesure que Tan se contempla, il découvrit que la glace devenait plus opaque,
s'assombrissait, afin de ne laisser paraître qu'une épaisse teinte noire, sans
aucun reflet présent à l'intérieur. Tan commençait à se poser des questions,
scruta derrière lui si le climat avait changé à l'extérieur, mais que nenni: il
pleuvait toujours et la nuit ne tombait pas encore. La situation devenait de
plus en plus inquiétante au moment où le miroir se mettait à émettre un certain
souffle continu, comme une respiration. Tan fit deux pas en arrière, choqué de
cette découverte. Il se blottit contre son lit, n'osant dépasser qu'un œil afin
de suivre, entre fascination et effroi, l'évolution de cet objet pas comme les
autres. Au bout de quelques minutes, il se releva, ne voyant aucun nouvel état
apparaître, et se rapprocha avec méfiance de celui-ci. Dans un élan de stupeur
et de confusion, il se mit à parler aux objets, souhaitant avoir plus de chance
de communiquer avec cet étrange outil que Kristen Stewart avec ses robinets
chez Olivier Assayas.
"Miroir... ?"
Pas de réponse. Était-il fou à force de
revoir Catwoman chez lui ? Rêvait-il ? Ou le miroir pouvait faire moultes
choses mais ne pouvait parler ?
"Gentil le miroir... Hein...
Gentil...
- Guy.
- AAAAAAAAAAAAH !
Tan sursauta et retourna derrière son lit.
Son miroir venait de lui adresser la parole d'une voix intelligible, mais pas
aussi effrayante qu'attendu par notre héros. Au contraire, elle paraissait même
très... fainéante. Le miroir soupira.
"Qui a parlé ?, demanda Tan, la voix
encore tremblotante.
- Là, fit le miroir. Eh ooooh, regarde, là.
Le miroir siffla pour appeler Tan. Il le fixa enfin, mais ne vit rien à l'intérieur
- Petit petit petit... Ehhh bah voilà, ça
y est, t'as compris ! Salut. Et c'est Guy au fait, pas "Miroir",
répondit le nouveau venu, avec une nonchalance et un certain mépris lors de
l'énonciation du dernier mot de sa phrase. Tan ne le voyait pas, seul un épais
brouillard noir restait. Le son parvenait des deux côté du miroir, de manière
stéréoscopique [je vous l'avais déjà dit que j'ai fait un BTS montage ?
C'est cool hein ? A bientôt., ndlr].
- Guy ?
- Oui, bah oui, Guy c'est mon nom,
excuse-moi hein, on n'a pas tous la chance d'avoir des prénoms formidables sur
cette Terre. Bon, qu'est-ce tu veux ?
- Mais d'où ça a un prénom un miroir ?
- D'où ça a un prénom un homme ? Tombe pas
dans la catoptophobie, s'il te plait [mot compte triple dans tous les
Scrabble de ta région, ndlr]. On devrait avoir les mêmes droits que vous.
Bref on est pas là pour parler chiffons et produits lave-vitres, qu'est-ce que
tu veux ?
- Ce que je v... Ah, comme dans les
contes, je peux te poser des questions ?
- Oui, enfin on a bien aidé les contes
quand même. Charles Perrault, tu connais ? Le mec a séquestré quatre miroirs
pour trouver de l'inspiration. Fêlé ce type. Notre syndicat a bien gueulé mais
bref longue histoire, j'ai la flemme. Tu veux quoi alors ?"
Tan, amusé par cette histoire, prit une
posture ridicule, à mi-chemin entre l'archétype du Prince Charmant et un tapir
qu'on forcerait à vivre sur deux pattes. Le miroir, peu surpris par habitude,
lâche un énorme soupir puis dit tout doucement "Oh putain, comme
d'hab". Tan, l'air heureux, clame haut et fort:
"Miroir, miroir, mon b...
- Guy, l'interrompit l'objet.
- GUY. Dis-moi, Guy. Qui est le plus beau
de toute cette planète ?
- Ryan Gosling.
- Pardon ?"
La réponse fut instantanée, comme si elle
était préparée à l'avance. Tan faillit s'étouffer, au vu de la réactivité de son
interlocuteur peu commun.
"Comment ça, Ryan Gosling ? Un peu
facile comme réponse, tout le monde sait qu'il est classe.
- C'est vrai ouais, mais la convention de
la réponse ne veut pas dire qu'elle est forcément erronnée. Ryan Gosling est
assurément l'acteur qui a le plus réussi cette année, alternant le blockbuster
grand public et des oeuvres plus intellectuelles. Et encore.
- Comment ça, "et encore" ?
- Et encore, le blockbuster grand public
dont je souhaitais parler est lui-même une oeuvre hautement intellectuelle bien
que parfois pompière dans ses symboliques, puisqu'il s'agit de Blade
Runner 2049, réalisé par Denis Villeneuve. Cette suite, sortie 35 ans après
son prédécesseur, considéré comme étant l'un des plus grands films tech-noir (comprendre: les codes du film noir inclus dans le genre science-fictionnel) que l'industrie cinématographique n'ait jamais connue, parvient à s'émanciper
de son aîné à travers ce personnage de l'officier K, joué justement par Ryan
Gosling. Cet officier est l'antithèse de Deckard, puisqu'il connait sa
véritable nature, ne la remet jamais en question dans un monde où l'ambiguïté
anthropomorphique est de mise. Sa confrontation avec le personnage du premier
volet, bien plus âgé, prouve les différences notables sur leurs volontés
d'accomplir leurs destinées avant l'arrivée de leur obsolescence
programmée. En dehors de la caractérisation de son personnage central, Blade
Runner 2049 parvient à s'émanciper autant que son protagoniste de son
aîné réalisé par Ridley Scott, en y épurant les compositions de plans; en
étirant à l'extrême la durée de ceux-ci afin d'y créer un charme hypnotique; en
étendant l'univers au travers des métaphores tisées par le brillant chef
opérateur Roger Deakins, où l’œil du premier volet ne devient qu'une partie du
visage de son petit frère, et où ce même œil, vide, devient le symbole de
l'entrée des nouvelles technologies dans l'industrie hollywoodienne (la scène
où les organes offrant la vue aux individus offre un excellent questionnement
sur la performance capture et jusqu'où le numérique peut remplacer la chair).
Les thèmes sur la religion et sur le questionnement du plein pouvoir sont aussi
assez bien abordées, notamment à travers le personnage de Jared Leto,
marionnettiste du film qui étend son empire tentaculaire sur l'enquête menée
par le personnage de Ryan Gosling. Il est cependant dommageable de voir Denis
Villeneuve ne jamais réussir à négocier le virage en fin de métrage dans son
film, entre l'indépendance de sa suite souhaitée de prime abord; et un
raccrochement aux wagons de son prédécesseur, assez stupide et poussif, qui
nuit à la compréhension globale de l'intrigue, puisque cette connexion ajoute
de nouveaux arcs narratifs que le réalisateur québécois ne parvient pas à bien
développer. Et que dire de cette scène d'action finale, sans doute montée par
un confrère cognitif de Stevie Wonder ? Tant de belles idées novatrices
vis-à-vis de celui de Scott gâchées par des trous scénaristiques et une volonté
(ou une imposition ?) de se rattacher à celui de Scott.
- Eh bien... Tu m'impressionnes, Guy. Je dois te dire que je ne te savais pas aussi bon dans le développement de ton avis [La rédaction décline toute responsabilité en cas de "ouin ouin, regardez-le, le melon qu'il a pris le Tanguy". On est dans de la fiction. Merde., ndlr]. Mais un film ne suffit pas pour affirmer la supériorité d'un acteur ou d'un réalisateur sur le reste de ses comparses, tu en as bien conscience ?
- Ouais ouais, mais attends, j'ai pas
encore parlé de La La Land.
- Mais il est pas sorti en 2016 La
La Land ?
- Non non, il date bien de janvier
dernier. Mais ne tergiversons pas autour des choix parfois hasardeux des
distributeurs français: La La Land est un film à deux doigts
du chef-d'oeuvre, pour plein de raisons. La première est sa capacité à m'avoir
personnellement ému durant tout le film, mais ceci est purement affectif. La
deuxième est la formidable capacité de son réalisateur, Damien Chazelle,
d'avoir pu se servir du passé afin de pouvoir construire le présent. Jamais le
film ne s'enferme dans de la complaisance nostalgie: il ne s'arrête jamais aux
idées de ses bienheureux ancêtres, tels Un Américain à Paris (si
vous avez vu le film, la référence est évidente) ou encore Chantons
sous la Pluie; il se les réapproprie et les détourne, afin d'émettre
une transition classique --> post-moderne (l'angle de caméra inscrit dans la
modernité cadre un paysage onirique classique, fait à la main ou en train
d'être conçu). Ces petits éléments marquants, entre recherche du
post-modernisme et construction progressive des scènes démarquent alors La La
Land des autres comédies musicales, annonçant alors un final dont le ton plus
mélancolique qui dévie grandement de ses aïeux. Enfin, le dernier point qui
marque dans ce film est l'exemplarité de ses deux acteurs principaux, Emma
Stone et... Ryan Gosling toujours. Si la première citée crève l'écran par son
immense palette de jeu, renforçant avec son seul personnage l'idée de la
transition et de l'émancipation des codes classiques, Ryan Gosling, lui, EST
l'archétype classique, puisqu'il ne trouve son confort que dans de la musique
des années 1950/1960 (en témoigne l'opposition avec la scène où il se retrouve
pianiste pour le personnage interprété par John Legend), a une attitude un peu
nonchalante et charmeuse malgré ses problèmes financiers comme Gene Kelly dans
[INSERER N'IMPORTE QUEL FILM AVEC GENE KELLY], et commente malicieusement les
paroles de son acolyte lors de leurs shows musicaux, admirablement chorégraphiés
par Mandy Moore. Tous ces arguments le rattachent alors très facilement aux
figures de music-hall d'époque, et le rendant diamétralement opposé à celui de
Emma Stone. Le seul défaut trouvable dans le film au final serait... Eh bien...
Des plans sans mise au point à certains moments, sans raison valable. Mais
c'est un petit caillou dans Paris-Plage ce que je dis là, il est très facile
d'en faire abstraction en réalité.
- C'est vrai qu'il était vraiment
passionnant ce film. D'autres suggestions ?
- Ouais, Song To Song. Mais je
l'ai pas encore vu.
Un coup de briquet se fait entendre au
fond du miroir. De la fumée blanche sort progressivement des recoins du miroir.
- Bordel mais qu'est-ce tu fais, dit Tan
en toussant, après avoir tenté d'inhaler la fumée pour essayer de savoir ce que
c'était. Mais... Tu fumes ?
- Bah ouais, rétorqua Guy, la voix cassée
par sa cigarette. On a pas le droit de cloper quand on est pas activés, tu
m'excuses hein. T'as qu'à te boucher le nez c'est bon. Ouais bon du coup Song
to Song pas encore vu, mais par contre j'ai vu Voyage of
Time, aussi de Terrence Malick.
- Depuis quand un miroir ça fume ?
- T'en as pas marre de te poser toujours
des questions à la con. J'te jure si j'avais des bras je t'aurais déjà frappé.
- Excuse-moi de pas avoir l'habitude
parler à mes objets. Bref sinon; toujours dans ces délires mystiques le vieux
fou ?
Le miroir sautilla, surprenant Tan dans
son ironie mal placée.
- OUH QU'IL EST CON LUI ! Terrence Malick
est un brillant réalisateur, mais qui a la fâcheuse tendance de se répéter dans
ses expérimentations de montage depuis The Tree of Life. Il faut
savoir que Malick use et abuse des mêmes artifices depuis un peu plus de 7 ans,
entre ses différents axes narratifs en voix off, ses figures de style, entre
contemplation d'un monde qui s'effondre et renaît et métaphores religieuses
parfois malvenues. Sauf que Voyage of Time, sous couvert
d'expérimentation au vu d'une voix off, par Cate Blanchett, semblant réciter
des poèmes dans un montage alternant effets spéciaux et plans en DV, retrouve
une vraie linéarité. Terrence Malick y voit ici le moyen de renouer avec une
narration plus simple sur sa vision du temps qui passe et sur une cosmogonie
étonnamment sexualisée, permettant de prouver que selon lui, l'univers n'est
qu'éternel recommencement, et qu'il faut le chérir et le comprendre. Attention
cependant: Voyage of Time ne reflète en rien une exactitude
scientifique, il n'est que le reflet d'une poésie créée par son auteur.
- Je l'avais aussi vu au cinéma et pense
pareil que toi. Cependant, je n'avais pas compris pourquoi son circuit salles
dans notre pays s'est vue limitée à une séance unique. Au final, tout ce ci n'a
mené à rien.
- C'est vrai, mais il faut savoir que
cette idée de séance unique demandée par Mars Films, société distribuant le
film, était à mon sens l'unique moyen de pouvoir accueillir de nombreux
spectateurs pour un film que le public ne connait que pour l'exigence dont font
preuve ses derniers métrages. Je me souviens avoir pu voir Knight of
Cups en salles il y a quelques années déjà, et la moitié des
spectateurs, déjà peu nombreux, avait quitté la projection avant même que l'on
atteigne la première demie-heure. Malick souffre d'une image
d'"intellectuel chiant" auprès du grand public, ne permettant pas à
ses projets de s'assurer une rentabilité dans l'Hexagone.
- Donc cette idée de séance unique servait
simplement à attirer plus simplement le public en lui faisant croire à un
événement mondial ?
- Oui, clairement ! Surtout que, bien que
le concept de la séance unique existe depuis longtemps, rares sont les grands
réalisateurs qui voient leurs films être distribués de la sorte. Mais, malgré
un certain nombre de places encore disponibles avant le début du film, force
est de croire qu'il y avait nettement plus de gens qu'à l'accoutumée. et le
côté événementiel de Voyage of Time s'est tari de lui-même avec la
multiplication des séances spéciales, s'étendant dès lors sur trois ou quatre
mois. En plus, la version proposée en salles française est une version
atrophiée du montage original, destiné à des projections IMAX encore inédites
sur le sol français, Brad Pitt devant également prêter sa voix au commentaire
du film. On est donc encore très loin du vrai événement qu'aurait dû être ce
film, la faute à notre retard technique, et une petite frilosité des
distributeurs nationaux.
- Mais comment tu fais pour aller au
cinéma vu que t'as pas de pieds ?
- Tu m'as vu sautiller et mon ancien
maître m'amener partout, t'écoutes ce que je te dis au moins ?
- Désolé, c'était pour crédibiliser ton
personnage pour le lecteur.
- Ton humour méta est nul Tan.
- Excuse-moi d'avoir au moins essayé.
- Tom Ford aussi.
- Ah merde. C'est vrai, répliqua Tan en
hochant la tête et en levant les yeux au ciel. Nocturnal Animals ?
- Nocturnal Animals.
- Le pire film que j'ai vu de ma vie.
- Tant que ça ?
- Oh oui. Toujours surprenant de voir un film aussi intelligemment vide se fourvoyer dans son cynisme didactique. Tom Ford démontre l'entièreté de sa prétention dans un film qui se sent obligé de pointer du doigt chacun de ses artifices pour montrer à quel point il est diablement intelligent. Sauf que tout son montage parallèle est digne d'un enfant de CM1 pas fichu de faire une bonne rime à l'édition, son esthétique clinquante s'enferme dans un système que Ford ne parvient plus à varier au bout de seulement un quart-d'heure, les acteurs sont extraordinairement mauvais et en font des tonnes, la faute au maniérisme forcé de la mise en scène de l'ancien photographe pour faire comprendre à nouveau qu'il est cynique; et la morale finale est d'un misérabilisme sincère bon à se jeter du haut d'un pont après avoir découvert pareille connerie.
- J'avoue que j'avais jamais autant en
colère devant un film oui. Et quel jumpscare dégueulasse en plein milieu !
- Tu l'as dit.
- Pour autant, le cynisme dans le cinéma
peut être un moyen de bien déconstruire le pas...
- Non.
- Comment ça, non ?
- Regarder une situation avec un œil moderne et cynique au cinéma ne sert qu'à ridiculiser autrui tout en mettant une barrière douteuse, prônant un certain rejet. Pourtant, il est possible d'être respectueux tout en faisant d'excellents films.
- Donc être cynique n'offre aucun respect ?
- Bah non, sauf si tout ceci est contredit, mais peu de films systématisant ceci n'arrive à créer une variation sincère au final. L'exemple parfait de ce cynisme se trouve dans le dernier rejeton de la comédie française, Daddy Cool, réalisé par Maxime Govare.
- Ah. Oui. Sacré Showeb...
- OUI, SACRE SHOWEB ! Il n'y a pas grand-chose à dire sur ce film puisqu'il présente le degré zéro de la mise en scène, agrémentée tout de même d'un plan-séquence compliqué à faire, certes, mais inutile pour ce qu'il raconte et spatialise; et son casting est à la ramasse car il subsiste une absence incroyable de direction d'acteurs. Rajoutons aussi dans ce cocktail le concept de "comédie-qui-a-vingt ans-de-retard", comme les trois-quarts de la comédie populaire française cette année (sérieux, a-t-on déjà vu une année aussi minable en terme de comédies populaires prônant un engagement raciste maquillé en liberté d'expression ?) et inculque une morale à la personne finalement la plus méritante du film, celle qui a su trouver un juste milieu entre le côté sérieux et la folie, ce qui rend quand même la chose ultra-problématique. Mais le pire n'est pas là. Si tu as évoqué le Showeb, ce n'est sans doute pas par hasard.
- Les "connasses de blogueuses" ?
Guy soupira. Tan l'entendit écraser sa
cigarette.
- Les "connasses de blogueuses".
Au début du film, le personnage incarné par Laurence Arné, dessinatrice de
renom, se fait interviewer par une blogueuse, au comportement paraissant
normal: un peu excitée par l'interview, mais aux questions pleines de bon sens
et sans un côté "fangirl" trop poussé. La caractérisation était
excellente à première vue. Mais...
- Mais de suite après, Axelle Laffont, qui
interprète son éditrice, est rejointe par Laurence Arné et lui dit ouvertement
qu'elle en a marre que celle-ci se fasse interviewer par des, je cite,
"connasses de blogueuses". La salle du Gaumont Champs-Elysées,
composée à 95% de blogueurs, était hilare, et applaudissait même. Vous n'en avez
jamais entendu parler de ça hein ? Eh bien c'est vrai. Mais revenons plus en
détail sur cette séquence et ces mots. Tout d'abord, en extrapolant le contexte
précédemment cité, ce passage est symptomatique de la fainéantise de plus en
plus persistante de la comédie française, qui se "Sandlerifie", en
prétextant qu'une insulte dite de manière nonchalante permet de faire rire. Or,
ce n'est pas un ressort comique d'insulter quelqu'un, d'autant plus quand la
blague, qui n'en est même pas une, est annoncée par un long plan sur Axelle
Laffont, le regard un peu énervé et haineux qu'on lui connait, attendant sa
dessinatrice. On sait à l'avance qu'elle va se moquer de la blogueuse, il n'y a
même pas l'instantanéité de l'insulte qui peut prêter à sourire. Mais le pire
n'est pas là.
- Le pire est que ce ressort aurait pu
être un tacle gentillet ou une caractérisation basique du personnage de Laffont
si cette réplique n'était pas répétée deux fois par deux personnes différentes,
sans jamais être remise en question; si Andy Raconte, vlogueuse ou
ex-vlogueuse, je sais pas trop, ne jouait pas dans le film; ou si le
réalisateur lui-même n'était pas venu présenter son film devant la salle avant
la projection ! Le comble est atteint. Et ça fait mal. Sinon à part ça le film
est nul est c'est Michel Leeb qui balance la morale du film à la fin. Vu
l'humour arriéré que se trimbale ce type, l'ironie est à son maximum...
- C'est quand même vraiment inquiétant que
le cinéma français ne parvienne plus à retrouver ne serait-ce qu'un vingtième
de sa splendeur. Seul Grave, thriller horrifique franco-belge,
permet à l'Hexagone de ne pas couler, voire d'offrir des perspectives
intéressantes à celui-ci.
- Non, quand même pas. Ne retenir
que Grave serait oublier le triomphe accordé à des oeuvres
telles que 120 Battements par minute de Robin Campillo, qui
voit poindre à l'horizon des César qu'il mériterait amplement; ou encore
Au-revoir là-haut, nouvelle création farfelue de Albert Dupontel. De plus, il serait
injuste d'oublier le nouveau pastiche de Michel Hazanavicius, Le
Redoutable, qui lui permet de retourner les codes de Godard contre ce
dernier afin de le singer et d'en faire un personnage seul et ridicule, qui n'a
pas compris comment il pouvait changer le cinéma, même s'il en a eu la
possibilité plusieurs fois. Il ne faut également pas oublier quelques
grands noms, comme Luc Besson, qui a tenté d'offrir un film à l'ambition
démesurée, plastiquement quasi-irréprochable malgré un entremêlement d'enjeux
inutiles et mal exploités et les deux acteurs principaux soit à côté de la
plaque, soit très mal digérés. En dépit du projet titanesque, le rendu final
est quand même sacrément bâtard, n'offrant au final qu'un divertissement
inoffensif et insignifiant. Après...
Guy réfléchit quelques minutes en
marmonnant. Tan l'appela.
- Oui... ?
- Après, certains techniciens restent tout
de même bien intégrés et performants à l'intérieur de l'industrie
internationale. On va pas se mentir: le cinéma français ne s'arrête pas
forcément à notre territoire. Là, de suite, je pense notamment à des personnes
comme Alexandre Desplat à la musique ou...
- Pitof ?
- Darius Khondji. Pitof
?
- Désolé, une absence...
- Ouais... C'est ça. Bref, Darius Khondji
à la photographie a eu l'occasion de vivre une riche année, avec notamment deux
grandes attentes parues, The Lost City of Z de James Gray,
et Okja, de Bong Joon-Ho. Ce dernier a même été présenté à Cannes.
Pas de Michael Haneke ou Woody Allen pour lui cette année, mais deux célèbres
cinéastes tout de même. Autant dire que sur le papier, ça annonce quelque chose
de bon.
- Ouais en effet. Et quel film, The
Lost City of Z...
- Carrément. Ce film marque les retrouvailles
de deux grand artistes de leurs temps après l'assez moyen The Immigrant,
parvenant à établir des gimmicks communs qui servent le propos principal du
film: l'obsession. Cette obsession est visible par le choix des filtres jaunis,
qui avec leurs textures alourdissent l'image et donnent un sentiment
d'oppression. Cette colorimétrie pesante diminue à chaque retour de Percy
Fawcett, interprété magistralement par Charlie Hunnam, dans la jungle. Ce n'est
pas la finesse incarnée, je l'avoue, mais de riches idées sont notables tout au
long du film, même si elles auraient besoin d'être recontextualisées pour avoir
du sens. Je pense par exemple à ce plan final polysémique, entre désespoir,
obsession et hantise chez le personnage de Sienna Miller, comme si le paradis
de Fawcett s'était refermé subitement sur tout sa famille. Cependant, si ceci
parait peu subtil, Okja, quant à lui, est encore pire, tout en
marquant une certaine crise identitaire dans la filmographie du chef opérateur
franco-iranien.
- C'est clair que je me suis vraiment
demandé pendant le film si c'était bien Khondji qui était aux manettes du
système visuel. Je me demande si je l'ai déjà vu être aussi lourd et didactique
dans ses choix de cadre, même si j'avoue qu'il n'a pas dû être aidé par
l'indigence de l'écriture. De plus, certaines scènes, qu'il filme en
plan-séquence, ne ressemblent absolument pas à un travail digne de son talent.
Khondji semble parfois se prendre pour Emmanuel Lubezki, en tentant de suivre
et de montrer des personnages reliés en petits espaces se rejoindre et se
télescoper pour ensuite se perdre dans la foule, le tout à partir d'un
éclairage quasiment naturaliste. Il y a un vrai souci dans ce film qui est que
les probables demandes du cinéaste coréen, en plus d'être assez mauvaises au vu
de leur lourdeur, ne correspondent en aucun cas à ce que peut faire ou qu'a pu
faire l'ex-directeur de la photographie de Seven, rendant alors un
travail fade et paraissant très impersonnel. Ce qui est vraiment dommage,
puisque leur rencontre aurait pu offrir un grand dynamitage de l'industrie,
mais sur Netflix.
- Netflix ? T'as même pas vu le film en
salles ?
- Non, et alors ?
- T'es sûr qu'on peut dire que c'est du
cinéma quand ça ne sort pas en salles ? C'est juste un téléfilm quoi.
- Bah... Pas vraiment. Enfin, oui et non.
Netflix est un hébergeur légal, qui ne garantit ni ne conseille aucun support
de diffusion précis. Rien ne t'interdit de regarder leurs créations originales
sur un projecteur cinématographique que tu t'es soigneusement acheté
auparavant. Un téléfilm, malgré une dénomination plus ancienne, est destiné
pour passer à la télévision uniquement, et se démarque du film en salles rien
que par son appellation. Il sort uniquement en télévision, point. Certes, les
contre-exemples sont nombreux, de Duel de Spielberg au Ma
vie avec Liberace de Soderbergh, mais leurs destinations ne sont pas à
l'origine pensées pour du cinéma. Avec Netflix, c'est différent: leurs
créations originales sous forme de long-métrage portent l'appellation
"Film". Jamais le médium télévisuel n'est mis en avant. Par cette
astuce, ils gagnent une certaine légitimité auprès d'un certain public.
- Mais si j'ai pas de projecteur ou
rétroprojecteur, comment je fais hein ? Un film, ça doit être projeté en salles
pour qu'on puisse l'appeler "film". Puis ils vont ruiner l'industrie,
avec des prix aussi minimes au vu du catalogue qu'ils proposent.
- Le cinéma en France n'a en aucun cas
besoin de Netflix pour voir sa fréquentation rester quasiment constante. En
2017, la fréquentation salles en France était de 209,22 millions de
spectateurs, soit 1,8% de moins que l'an dernier mais plus que 2014 (208,97
millions) et 2015 (206,06 millions). Et quand on voit la qualité générale de
l'année, ça fait un peu peur, d'autant plus que le prix des places
hors moins de 14 ans a encore augmenté, malgré le retard technique de plus en
plus ahurissant que l'industrie française continue de prendre vis-à-vis de ses
voisins anglophones par exemple. Et ici, je ne parle que de salles de cinéma, pas de films: seul un
cinéma en France possède l'IMAX 3D Laser, et elle n'est même pas à Paris
mais... à Montpellier ! Luc Besson est le premier réalisateur à avoir pu
obtenir une dérogation du crédit d'impôts pour pouvoir tourner Valerian en
France, et non en Hongrie, et ça date de 2015 ce que je te raconte ! Personne
avant n'avait pu le faire car personne n'avait osé faire un film avec des
budgets aussi conséquents ! La défiance des studios vis-à-vis des nouveaux
projets, et notamment en France, la montée des prix pour accéder à une oeuvre
audiovisuelle, ainsi que le retard technologique des nombreux multiplexes cinématographiques
de notre pays font que la demande de Netflix se fait plus compétitive que ses
vieux confrères, offrant même un nombre illimité de visionnages de séries ou de
films en UHD présents sur le catalogue de la plateforme au même prix qu'environ quinze
films au cinéma en une seule année.
- D'autant plus quelques réalisateurs de
renommée plus ou moins importante ont décidé de pactiser avec le nouveau Diable
de Cannes, comme Bong Joon-Ho, David Michôd et son War Machine emmené
par Brad Pitt, David Ayer et Will Smith pour Bright, mais surtout Mindhunter,
nouvelle série originale produite par Charlize Theron et surtout David Fincher,
qui réalise par ailleurs quatre épisodes sur les dix que contient la première
saison.
- Ouais, et c'est le produit audiovisuel
le plus abouti que j'ai vu cette année.
- Bah pareil. Dommage pour tous les
détracteurs, c'est sur Netflix. Mais Mindhunter, par son scénario
axé sur les théories freudiennes et de Durkheim; et sa mise en scène, se
positionne comme étant la grande synthèse du cinéma de David Fincher, puisque
reprenant des codes d'écriture de chacun de ses films, en y mêlant une imagerie
et une texture dignes de The Game ou Zodiac.
Cependant, il serait facile de ne voir en Mindhunter qu'un
simple auto-hommage, puisqu'elle opère en même temps une fascinante descente
aux enfers d'un enquêteurs qui se perd dans les méandres psychologiques des
criminels les plus fous. En effet, à force de s'enfermer dans la mécanique trop
bien huilée de son travail, qui consiste à identifier les déviances des tueurs
en série, l'agent Macron Ford se retrouve bloqué dans son
rôle, ne sachant plus refouler son travail et donc jongler entre son couple et
ses investigations. Force est de constater également l'immense pouvoir de
Fincher sur la série, les autres réalisateurs se contenant de singer non sans
réussite le style d'un des plus grands maîtres du cinéma post-moderne actuel.
Christopher Probst et Eric Messerschmidt, chef opérateurs de la série, parviennent
également à bien cerner les différents changements d'atmosphère souhaités par
le showrunner Joe Penhall et son producteur exécutif cité plus haut; mais
j'avoue qu'ils doivent être bien aidés par le retour de Kirk Baxter au montage,
chef d'orchestre de la maestria de The Social Network par
exemple, dont l'exécution rythmique diffère avec la série mais le choix
esthétique des cadres pas tant que ça. Une grande série, non visible en salles.
Dommage pour les détracteurs, encore une fois, mais Neflix semble offrir bien
plus de libertés et de choix à de vrais auteurs que les studios
cinématographiques...
- Et Stranger Things 2 aussi
c'est tel..
- Non.
- Non ?
- Non. Pas vu. On a abrégé les souffrances
cette année.
- Pourtant, même la première saison n'a
rien de cynique envers le passé. C'est bien ce que tu aimes, non ?
- Alors oui, mais non. Il y a cynisme, et
il y a "doudou". Une oeuvre "doudou", c'est l'équivalent
des Memberberries dans South Park: elle ressasse le passé pour te
rappeler à quel point c'était bien.
- C'est pas parce qu'une série se passe
dans les années 1980 que forcément elle te rappelle à quel point avant c'était
bien.
- Oui, c'est exact. Mais Stranger
Things me donne la fâcheuse impression qu'il s'agit d'une série se
basant sur des jeux de pistes, n'avançant que par "easter-eggs". Le
but de la série n'est alors plus de s'attacher des personnages à mon sens, mais
tenter de découvrir ce que la narration peut proposer vis-à-vis des références
incluses dedans. La série ne propose même pas de réflexion sur son idée de
revisiter le passé, elle ne fait que le recycler bêtement pour en ressortir des
pistes narratives et thématiques préconçues peu intéressantes. Du moins, ça ne
m'intéresse pas, je préfère qu'on me surprenne plutôt qu'on me rappelle, mais
c'est ad hominem. Mais pourquoi je m'entête à dire ça. J'ai pas vu la saison 2
et recycle ce que tous les détracteurs ont pu dire sur la première.
- Du coup, t'as pas dû aimer Ça,
le nouveau film d'horreur de Warner ?
- Si, mais je t'avoue que j'ai eu peur au
début, de par son traitement programmatique de la peur en début de métrage (un
bête enchaînement d'actions censées terroriser des gamins dont on ne sait pas
grand chose encore, et dont leurs peurs ne sont même pas encore entièrement
caractérisées à ce moment du film); et ça démarrait un peu à la Stranger
Things, en surlignant l'époque à laquelle se passait ce film. Pourtant, un
simple synthé aurait suffi, mais non: rajouter de la musique et un plan large
sur des maisons très typées 80s en supplément devaient sans doute être
obligatoires pour les studios. Par chance, le film accélère après ce passage,
en offrant de sacrés moments de trouille et en offrant des variations
intéressantes à Pennywise, clown devenu de plus en plus borderline et vicieux,
au contraire d'un Tim Curry dans le remake, bien plus joueur. C'est un autre
versant du mal, imaginé par Stephen King à l'origine, qui est présenté ici, et
ce n'est pas plus mal au final. J'aime à penser que ce clown est un Looney
Tunes dépressif, qui se sert du sadisme, de la métatextualité et de la comédie
de l'absurde pour extraire la peur des enfants qu'il souhaite manger pour
survivre. Or, comme un Toon, c'est la vision impassible d'autrui qui l'amène
principalement vers la défaite: moins on rentre dans son jeu, plus il semble
s'affaiblir/
- De plus, le film ici parvient plus à
présenter les différents problèmes des enfants, et qui plus est frontalement.
Le film est très difficile car il traite des violences faites aux enfants, de
la manipulation, de la pédophilie, de la découverte de la puberté, de
l'affirmation de soi, etc, tout en ayant un oeil paternaliste sur ce qu'il
arrive. Bon, il est vrai que le sound-design nuit parfois à la crudité de certaines
scènes, celui-ci étant parfois trop présent par rapport à ce qu'il devrait
être, mais c'est vraiment bien de voir de jeunes cinéastes qui ont de l'énergie
et du talent à revendre pour revisiter de grands classiques de la terreur. Et
malgré le sujet épineux, Andy Muschietti arrive à aussi bien s'en sortir que
Fede Alvarez pour son remake de Evil Dead, même si l'hypertexte
reste douteuse, les deux films n'ayant pas grand chose en commun dans leurs
tons et ambiances.
- Clairement. L'horreur cette année s'est
plutôt bien porté, qu'on se le dise. Certes, certains films n'ont rien offert
de bien passionnant à se mettre sous l’œil, comme chaque année, mais Blumhouse
a su, par exemple, offrir deux bombes que sont Get Out par
Jordan Peele et surtout Split, le retour fracassant de M.Night
Shyamalan dans les sommets du box-office mondial, à trois mois d'intervalle. Du
côté des Majors, en plus de Ça chez Warner, Darren Aronofsky
chez Paramount a bien dérouté en septembre dernier avec son culotté et très
symbolique Mother!, qui a autant fait d'admirateurs que de
détracteurs. Mais les excellents films ne puisent pas leurs racines à partir de
cette division, d'ordinaire ?
- C'est encore trop tôt pour dire ce qui
va marquer l'inconscient collectif et ce qui va tomber dans l'oubli. Surtout
que certains anciens films de Darren Aronofsky sont d'ordinaire reconnus pour
des artifices musicaux ou visuels qui n'apparaissent pas dans Mother!.
Il est donc compliqué de prédire son avenir immédiatement. Par contre, tu as
oublié d'évoquer le retour de la grande saga lucrative Saw,
avec un huitième volet étrangement différent mais pas inintéressant des frères
Spierig. Jigsaw n'est pas Saw VIII: il interagit
plutôt bien avec le passé d'un point de vue thématique, faisant oublier
l'immensité de ses incohérences vis-à-vis de ses aînés. En effet, Jigsaw s'oriente
vers la dérive extrême du jeu, c'est-à-dire le plaisir de faire et le plaisir
de voir, choses qui étaient ressenti par ailleurs par les spectateurs eux-mêmes
devant les derniers volets, ceux-ci jouant plus le côté sanglant que la vraie
envie de raconter une histoire. De ce fait, Jigsaw se sert du
passé plus extra-diégétique que diégétique (le ressenti spectatoriel et
l'absence progressive de morale) pour mieux s'ancrer dans l'octalogie. Mais le
passé, si tu as bien suivi notre discussion, a bien été le fil rouge de notre
discussion, puisque plus que jamais, le regard dans le rétroviseur est devenu
un rouage essentiel de notre société. Comme précédemment, la question qui a
taraudé était: comment l'appréhender ? Jigsaw a fait ce choix,
le dégradant sans pour autant lui manquer de respect, afin d'établir un nouveau
pan discursif de l'univers tentaculaire de la saga initiée par James Wan et
Leigh Whannell.
- Star Wars a aussi fait
ce choix pour la suite de son avenir cette année d'ailleurs.
- Oui, mais il n'avait pas le choix, à mon
sens, de parler du passé de cette manière. Bah ouais: à un moment, il faut
avancer, et faire table rase de ce qui a pu être fait par ses prédécesseurs. Et
pour moi, Rian Johnson l'a réussi. Les Derniers Jedi orientent
le récit à travers l'idée de la désobéissance: chaque personnage parvient à
avancer en décidant de sortir des rails et en tentant de trouver une solution
eux-mêmes. Eh bien le réalisateur fait pareil, orientant les références de la
saga vers les films de sabre japonais, comme Gareth Edwards avait pu le faire
de manière épisodique dans son gloubi-boulga indigeste Rogue One;
en se délaissant de nombreux personnages qui auraient pu faire défaut, comme
avaient pu le faire Fincher et les scénaristes pour Alien 3. Il
parvient aussi à se débarrasser des artifices devenus extrêmement ringards des
premiers volets, ne plaçant qu'une seule transition en volet sur les 2h32 de
pellicule 65mm qui servent de film; et se sépare même des plans-b=vignettes,
influencés par le travail de William Cameron Menzies, dont George Lucas était
friand ! Et en même temps, il est agréable de voir un réalisateur désamorcer
des théories faisandées, n'ayant fait surface qu'à partir des spectres
passéistes qu'annonçait JJ Abrams dans Le Réveil de la Force: il
fait son film, déconstruit un univers avec une sincérité et un humour (qui fonctionne
pas toujours, c'est vrai) qui le caractérise, LUI, et pas Disney. Je suis
persuadé que les studios lui ont laissé une carte blanche sur le scénario et la
réalisation, d'où les incroyables destructions de mythe et les idées novatrices
du projet, dénuées de cynisme - non, l'introduction n'est pas si cynique, elle
ne fait que présenter la personnalité téméraire et très "tête brûlée"
de Poe Dameron. C'est une franche réussite, qu'il faudra sans doute digérer un
certain temps avant de la reconnaître comme telle.
- C'est vrai, ouais. T'as raison. Mais du
coup, tu crois sincèrement que Abrams va réussir à pondre un opus sans aucune
nostalgie alors qu'il s'agit du socle de l'intégralité de ses longs-métrages
pour Star Wars IX ?
- Je sais pas, le temps le...
- Attends.
- Quoi ?
- Qui parle ?
- Bah c'est moi, Guy.
- Non, Guy, c'est moi.
- Hein ? Mais t'es Tan non ?
- Bah non ?
- Salut les gars !
- T'es qui toi ?
- Bah, Ngu.
- Qui veut du café ?
- C'est quoi ce bordel ?
- Mouais... Bof...
Terminant la dernière cigarette de son
paquet, Tanguy décida de refermer l'ordinateur portable devant lui, trouvant
que son histoire ne tenait pas vraiment debout. Il savait pertinemment qu'il y
avait simplement à faire une liste pour annoncer un top et un flop 10, mais son
entêtement l'a forcé à écrire un pavé lui paraissant intéressant mais
complètement déstructuré. Promis, se dit-il en quittant la pièce. Cette année,
j'apprendrai à écrire.
Bonne année 2018.
Faîtes pas attention à moi, je fais que coucou, voilà, salut...Au revoir quoi.
RépondreSupprimerEh bien mon jeune ami, avec le premier degré qui me caractérise si bien, je te salue en retour. Bises, Milla.
Supprimer